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— C’est vrai. Ma mémoire est faible. Le fils de son fils alors ? le dernier rejeton de Treml ?

— Je vous l’ai dit, mon père.

— Quel danger, enfant ? quel danger ? s’écria le vieillard avec une soudaine exaltation. Ne puis-je point le secourir ?

Jean laissa tomber un triste regard sur le corps épuisé de son père.

— Priez, dit-il, moi j’agirai. Hier, du haut d’un arbre dont j’ébranchais la couronne, j’ai aperçu au loin Nicolas Treml qui revenait de Rennes où sont assemblés les États.

— C’est une noble et vaillante assemblée, Jean !

— Elle était ainsi autrefois, mon père. Je descendis sur la route afin de saluer notre monsieur, suivant ma coutume ; mais sa préoccupation était si grande qu’il passa près de moi sans me voir. Je le suivis. Il causait avec lui-même et j’entendais ses paroles.

— Que disait-il ?

Les traits de l’albinos se contractèrent tout à coup, et une irrésistible convulsion fit jouer tous les muscles de sa face. Il éclata de rire.

— Que disait-il ? répéta le vieillard.

Jean, au lieu de répondre, se prit à gambader par la chambre en chantant un monotone refrain du pays.

Son père fit un geste de muette douleur et se retourna vers la muraille, comme s’il eût été habitué à ces tristes scènes de folie.

Il en était ainsi. Jean, sans être idiot, comme le croyaient les bonnes gens de la forêt, avait de fréquents dérangements d’esprit qui lui laissaient une lassitude