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chambre et atteignit d’un bond le lit près duquel Didier était toujours étendu.

À la vue de cet homme dont les cheveux blancs tombaient épars sur ses épaules, Didier éprouva une commotion étrange. Il passa la main sur son front à plusieurs reprises comme pour saisir un souvenir rebelle.

L’homme était là, devant lui, immobile, en proie à une visible et violente anxiété.

Le travail de Didier dura longtemps. C’était un effort plein de souffrance et qui mettait de la pâleur sur son visage.

Enfin, et tout d’un coup, il parut voir clair en sa mémoire. Une rougeur épaisse couvrit sa joue, et sa bouche s’ouvrit presque involontairement pour prononcer ce nom :

— Jean Blanc !

Pelo Rouan frappa ses mains l’une contre l’autre avec transport.

— Il se souvient de mon nom ! s’écria-t-il les larmes aux yeux ; de mon vrai nom ! Pauvre petit monsieur ! Il se souvient de moi !

— Oui, dit le capitaine ; je me souviens de vous… et de bien d’autres choses encore. Un monde de souvenirs envahit mon cerveau. Je ne me trompais pas, hier, lorsque j’ai cru reconnaître les tentures de cette chambre où l’on m’avait mis…

— C’était la vôtre autrefois. Oh ! que Dieu soit béni pour n’avoir point souffert que le vaillant tronc perdît jusqu’à sa dernière branche ! Que Dieu et Notre-Dame soient bénis pour la joie qui déborde de mon pauvre cœur !