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et le plus considérable était Loup, le chien favori de Nicolas Treml ; le second n’était autre que Jean Blanc, l’albinos.

Chaque fois que Vaunoy entrait au salon, Loup fixait sur lui ses rondes prunelles et grognait dans ses soies jusqu’à ce que M. de la Tremlays lui eût imposé péremptoirement silence. Vaunoy avait beau le flatter, il perdait sa peine. Loup, en bon Breton qu’il était, avait la tête dure et ne changeait point volontiers de sentiment.

M. de la Tremlays s’étonnait souvent de l’aversion que Loup montrait à son cousin ; cela lui donnait même parfois à réfléchir, car il tenait Loup pour un chien perspicace et de bon conseil. Mais Vaunoy, d’autre part, était si humble, si serviable, si dévoué !

Et puis, Saint-Dieu ! il détestait si cordialement la France.

Le moyen de concevoir des soupçons contre un homme qui abhorrait ainsi M. le régent ?

Quant à Jean Blanc, sa haine était moins redoutable que celle de Loup. Jean Blanc, en effet, occupait dans l’échelle sociale une position infiniment plus humble. Il était, de son métier tailleur de cercles, passait pour idiot, et n’eût point pu soutenir son vieux père sans l’aide charitable de M. de la Tremlays. Jean Blanc était reçu dans les cuisines du château, parce que l’hospitalité bretonne accueillait hommes, mendiants et animaux avec une égale religion ; mais c’était à grand’peine qu’il conquérait sa place au feu, et il lui fallait exécuter bien des cabrioles pour désarmer le mauvais vouloir du maître d’hôtel, lors de la distribution des vivres.