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Pelo Rouan s’arrêta et passa lentement sa main sur son front.

« — Cela dura deux ans, reprit-il après un silence et d’une voix tremblante ; au bout de deux ans Jean Blanc revit des soldats de France et des gens de l’impôt. Vaunoy avait découvert sa retraite : sa pauvre cabane fut de nouveau envahie. Une première fois il les chassa ; ils revinrent en son absence, et un lâche ! un soldat du roi ! insulta et frappa Sainte, qui n’avait pour défense que le berceau de sa fille endormie.

« Je ne te conterai pas ce qui suivit ; je ne le pourrais pas, mon homme, car mon sang bouillonne, et, au moment où je te parle, il me faut mes deux mains pour contenir les battements de mon cœur.

« Sainte succomba aux nombreuses blessures faites par l’arme meurtrière de l’assassin ; elle mourut en priant Dieu pour Jean et pour sa fille… »

Pelo Rouan s’interrompit encore. Sa voix défaillait.

— Sur ma foi, grommela Jude, il est de fait que le bon garçon ne doit pas aimer beaucoup les gens de France.

— Il les hait ! s’écria Pelo avec explosion, et moi tout ce qu’il hait, je le déteste ! Ah ! l’un d’eux rôde autour de cette cabane. Mais, sur mon Dieu, ami Jude, il y a un vieux mousquet qui veille sur Fleur-des-Genêts : une bonne arme, portant loin et juste. Puisque tu sers le capitaine Didier, conseille-lui de ne plus s’égarer dans les sentiers que fréquente Marie, la fille de Sainte et de Jean Blanc.

— J’ignore les secrets du capitaine, répondit Jude avec froideur ; je sais seulement qu’il est généreux et