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Maître Alain se rapetissa et ferma les yeux comme font les enfants craintifs devant la férule du pédagogue. Lapierre, au contraire, assura son fauteuil sur ses quatre pieds, croisa ses jambes et se renversa dans l’attitude du calme le plus parfait.

La terreur de l’un et la provocante intrépidité de l’autre passèrent également inaperçues. Vaunoy n’y prit point garde.

Au lieu d’éclater en invectives pour retomber ensuite jusqu’à une sorte de flatterie pateline, comme c’était assez sa coutume vis-à-vis de ses deux acolytes, il reprit froidement son siège et les regarda tour à tour d’un air qui fit réfléchir Lapierre lui-même.

— Dans une heure, prononça-t-il lentement et en appuyant sur chaque mot, il faut que l’un de nous monte à cheval.

— Pourvu que ce ne soit pas moi, répondit Lapierre, je n’y mets nul empêchement.

— Taisez-vous ! dit le maître de la Tremlays sans élever la voix ; je le répète, l’un de nous doit partir dans une heure. Il le faut. Je pourrais essayer de la force, je suis le maître ; mais la force échouerait peut-être contre votre apathie, Alain, contre votre entêtement, Lapierre ; et le temps est trop précieux pour que je le dépense à sévir contre vous. J’aime mieux mettre votre obéissance à l’enchère. Voyons, lequel de vous deux veut gagner mille livres tournois ?

Un éclair d’avide désir s’alluma dans l’œil éteint du majordome.

— Mille livres ! répéta-t-il machinalement.

Vaunoy suivit l’effet de sa proposition avec une anxiété