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marche à grands pas vers la tyrannie. Ce que j’en disais était curiosité pure. Je voulais surprendre ce grand secret, mais vous m’avez vaincu, et je n’engagerai plus avec vous de combats de paroles. Je lancerai contre vous, en guise d’avant-garde, si le cas se présente, mademoiselle Olive de Vaunoy, ma digne sœur… et alors tenez-vous bien, je vous le conseille !

Alix ne se méprit point à cette gaieté soudaine. Vaunoy avait raison de le dire : malgré sa vieille expérience d’intrigant, il n’était point de force à lutter contre la hautaine droiture de sa fille. C’était de la part du maître de la Tremlays de la diplomatie prodiguée en pure perte.

— Je suis heureuse de vous entendre parler ainsi, mon père, dit seulement Alix.

— Alors, soyez clémente, et prenez un peu de compassion de ce pauvre M. de Béchameil… mais cela viendra, et il sera temps d’en parler plus tard.

Il tira sa montre.

— Onze heures déjà, murmura-t-il. Allons ! ma fille, je vous laisse et vous donne carte blanche, sûr que ma confiance est bien placée. Au revoir !

Il fit un geste familier et caressant auquel Alix répondit par une respectueuse révérence, et se hâta de regagner son appartement, où ses deux ministres l’attendaient l’un en philosophant, l’autre en ronflant.

Lorsque Alix fut seule, son beau visage perdit son expression de fierté. Un morne découragement se peignit dans son regard.

— Le revoir ! murmura-t-elle ; subir encore cette douleur !