Page:Féval - Le Loup blanc, 1883.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tira de sa poche son flacon carré de fer-blanc et but une ample rasade d’eau-de-vie.

— En veux-tu ? demanda-t-il à Lapierre.

— Il y a temps pour tout, répondit l’ex-saltimbanque ; je ne bois jamais quand je dois causer avec monsieur.

— Moi, je bois double.

— Et tu vois de même. Hier tu n’as pas seulement pu reconnaître ce drôle de valet.

— Je me fais vieux, dit Alain en buvant une seconde gorgée. Le fait est que ma pauvre mémoire s’en va. Mais si je le vois encore une fois je le reconnaîtrai peut-être.

— Et s’il ne revient pas ?

Alain, au lieu de répondre, but une troisième rasade et s’arrangea pour dormir, en attendant son maître. Lapierre haussa les épaules, et, pour ne point perdre son temps, il fit le tour de la chambre, donnant généreusement l’hospitalité, dans les vastes poches de son pourpoint, à toutes les pièces de monnaie égarées qu’il trouva sur les meubles. Les tiroirs étaient fermés.

Quand il eut achevé sa tournée, il s’accouda sur l’appui de la fenêtre. Au loin, dans le jardin, il aperçut Didier qui continuait solitairement sa promenade.

Lapierre se prit à réfléchir.

— Peuh ! dit-il enfin en enflant ses joues ; je croyais le détester davantage. C’est un joli garçon. Vaunoy paie mal et demande beaucoup. Hé ! hé !… il faudra voir !…

— En veux-tu ? grommela maître Alain qui trinquait en rêve.