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— Voici dans la cour tous les serviteurs du château, se dit Jude ; j’aurai de la peine à passer inaperçu.

— Marie ! murmura encore Didier.

Jude le regarda en souriant.

— Bravo ! mon jeune maître, pensa-t-il ; ne rêverez-vous point à quelque autre, maintenant ?

— Fleur-des-Genêts ! cria le capitaine, comme s’il eût voulu relever le défi.

En même temps il se redressa, éveillé, sur son séant.

— C’est toi, ami Jude ? reprit-il après avoir jeté ses regards tout autour de la chambre, comme s’il se fût attendu à voir un autre visage ; je crois que je rêvais.

— Vous pouvez l’affirmer, monsieur, et joyeusement, répondit Jude.

L’œil de Didier s’arrêta par hasard sur les antiques rideaux que perçaient les rayons obliques du soleil. Son sourire, qui ne l’avait point abandonné, s’épanouit davantage.

— Les poètes ont bien raison, dit-il comme s’il se fût parlé à lui-même, de vanter les joies du retour au toit paternel. Moi qui n’ai point de famille, je ressens ici comme un avant-goût de ce bonheur… Et tiens, Jude, mon garçon, l’illusion s’accroît : il me semble qu’enfant j’ai vu jouer le soleil d’automne dans des rideaux de soie comme ceux-ci. Sentiment étrange, Jude ! enfant sans père, j’éprouve ici comme un ressouvenir lointain de baisers, de caresses et de douces paroles…

— Monsieur, interrompit le vieil écuyer, je vais prendre congé de vous, pour commencer ma tâche.

— Reste, Jude, quelques minutes, un instant, je t’en prie ! Mon cœur s’amollit au contact de pensées nouv-