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Une seule circonstance eût pu le faire hésiter. La maison de la Tremlays n’avait qu’un héritier direct, Georges Treml, petit-fils du vieux gentilhomme. Que deviendrait cet enfant de cinq ans, frappé dans la personne de son aïeul et dépourvu de protecteur naturel ? Nicolas Treml supportait impatiemment cette objection que lui faisait sa conscience.

— Si je réussis, pensait-il, Georges aura un héritage de gloire ; si j’échoue, monsieur mon cousin de Vaunoy lui gardera son patrimoine. Vaunoy est un bon chrétien et un loyal gentilhomme.

Comme il prononçait mentalement ces paroles, une voix grêle et lointaine lui apporta le refrain d’une chanson du pays, sorte de complainte dont l’air mélancolique accompagnait le récit du trépas d’Arthur de Bretagne, méchamment mis à mort par son oncle Jean sans Terre.

M. de la Tremlays se sentit venir au cœur un pressentiment funeste en écoutant cela.

— Impossible ! murmura-t-il pourtant ; M. de Vaunoy est un digne parent.

La voix se rapprochait, le chant semblait prendre une nuance d’ironie.

— D’ailleurs, poursuivit le vieux gentilhomme, mon petit Georges est Breton ; son bonheur, comme son sang appartient à la Bretagne.

La voix se tut durant quelques secondes, puis elle éclata tout à coup juste au-dessus de M. de la Tremlays. Celui-ci leva brusquement la tête et aperçut, au haut d’un gigantesque châtaignier dont la couronne, dominant les arbres d’alentour, était vivement frappée par