PROLOGUE. 59
— Il faut bien que je te paye, enfant, pour- suivait le vieillard. avec une sorte d'effusion ; depuis dix ans, si j'ai eu quelques pauvres minutes de repos et de bonheur, c'est à toi que je les dois... Quand tu chantes, Berthe, je souris malgré. moi... et malgré moi j'espère. Ne me parle pas, s’interrompit-il, car je viens d'entendre trois heures et demie sonner à l'horloge du château. Encore trente minutes de passées. Et qui sait si j'ai À vivre désormais autant d'heures que j'ai vécu d'années ? S'il y a des anges, les anges doivent avoir la voix puis- sante ct pure comme toi... Ta voix, c’est la seule chose en ce monde qui m'ait jamais parlé du ciel! ;
Il lâcha la main de Berthe.
— Lève-toi, poursuivit.il, va prendre ta harpe et chante.
Berthe se recula effrayée.
— Chanter! dit-elle; à cette heure... et au moment où.
Elle n’acheva pas.
— Au moment où je vais mourir ?.… n'est-ce pas? dit Jean de la Mer.
Et le méchant esprit de contradiction qui tait en lui depuis le jour de sa naissance re- prenant le dessus, il ajouta :