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— Êtes-vous donc riche maintenant ?… ne put s’empêcher de murmurer Petite.

Cette question à peine lancée, elle eût voulu la retenir ; mais il n’était plus temps.

Franz s’était levé d’un mouvement involontaire et parcourait sa chambre, livré à d’irritants souvenirs.

— Oui, Madame, répondait-il en phrases entrecoupées, je suis riche… je serai plus riche encore… je suis noble !… et ceux qui ont méprisé mon malheur seraient bien aises peut-être de s’associer à sa fortune…

Sans savoir ce qu’il faisait, il prit sur la table les deux lettres apportées par le concierge et les froissa entre ses mains.

Madame de Laurens poussa un gros soupir qu’elle ménagea de manière à frapper l’oreille de Franz, et pencha sa tête sur sa poitrine.

— Si j’avais su que vous étiez riche, dit-elle d’un ton profondément blessé, je ne serais pas venue.

Il y avait dans son accent une plainte douce et résignée.

Franz arrêta aussitôt sa promenade et se tourna vers elle ; il crut voir une larme briller sous ses longs cils.

— J’ai tort, s’écria-t-il ; je suis un fou, Sara… je vous demande pardon !… Vous ne m’avez jamais fait que du bien, vous !… J’irai ! j’irai !

Un mouvement de joie fit bondir le cœur de Petite ; mais elle le contint comme elle avait contenu sa colère, et rien ne parut sur son visage.

— Vous n’êtes pas un fou, Franz, dit-elle, et je vous remercie du fond du cœur, si c’est pour moi que vous oubliez vos rancunes.

— Pour vous seule, chère.

— L’homme qui vous a insulté vous fera des excuses…

— Le chevalier de Reinhold ? interrompit Franz retrouvant pour un instant sa veine d’espièglerie ; il est trop vieux, trop ridé, trop fardé, trop chauve, trop rembourré, trop peureux !… je n’en veux pas !

Il s’était rapproché de Petite, et machinalement il rompait le cachet de l’une de ses deux lettres.

— Ce sera comme vous voudrez, reprit Sara ; mais je déteste cet