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maintenant, un bâillement léger avait entr’ouvert la jolie bouche de Petite.

Sans savoir exactement pourquoi, il suspectait la sincérité de son empressement. Il n’avait assurément aucune idée du but poursuivi par madame de Laurens, mais un instinct secret le poussait à se défier, sinon à feindre.

— Je ne suis pas si coupable que vous le croyez, dit-il, reprenant son sang-froid : hier, je me suis rendu à la rue des Prouvaires, afin de vous voir.

— J’y étais et je vous attendais.

— Madame la baronne de Saint-Roch m’a dit que vous n’y étiez pas… Je suis rentré fort tard, espérant toujours que vous pourriez venir… Ce matin, je ne suis pas sorti encore et ma première visite aurait été pour vous.

Il lui baisa la main avec galanterie.

Petite écoutait, les yeux baissés, ces explications trop précises, à son gré ; elle eût voulu de l’émotion, elle ne trouvait que de la courtoisie.

Pour la première fois, depuis qu’elle engageait chaque jour de ces luttes coquettes où jamais la victoire ne l’avait abandonnée, elle eut comme un pressentiment de défaite.

Ses sourcils délicats se contractèrent malgré elle. C’était un enfant qui lui résistait ainsi ! Elle était indignée.

Mais elle eut bientôt honte d’elle-même. Qu’y avait-il, en somme ? Elle rougit comme ferait un soldat, vaillant d’ordinaire, qui se sentirait envie de fuir à la première décharge.

— Je me suis trompée, reprit-elle en relevant ses yeux où brillait un sourire ; il n’y avait pas de votre faute, Franz… et que je suis heureuse de mon erreur !… Maintenant, que me voilà rassurée sur votre compte, il me reste une prière à vous adresser… car j’avais deux motifs en venant chez vous.

Franz s’inclina et prit la pose d’un homme qui écoute.

— Je venais vous inviter, poursuivit Sara, à la fête champêtre que nous donnons au château de mon père.

Parmi les choses que Franz désirait le plus depuis son entrevue avec