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leçon de duel de Grisier contre quiconque eût voulu prétendre seulement qu’il pouvait exister, en ce monde, une femme comparable à mademoiselle d’Audemer.

Et cette femme l’aimait, lui, Franz, non pas seulement depuis que la fortune lui souriait, depuis qu’il était fils de prince, mais dès longtemps ; elle l’avait aimé, pauvre, chétif, sans nom !

Sa joie se mêlait de reconnaissance grave et profonde ; l’enfant étourdi devenait homme, et recueillait sa pensée qui allait à Dieu comme une prière.

Puis le rire espiègle étincelait soudain dans son œil rallumé ; la vive gentillesse de Gertraud venait de se mettre en tiers dans son rêve.

Partout, autour de lui, de gracieuses images, partout des figures amies ?

La sonnette de son appartement, tirée avec une discrétion timide, tinta faiblement ; il ne l’entendit pas. On sonna une seconde fois, puis une troisième, puis enfin une clef tourna dans la serrure de la porte d’entrée, et l’on s’introduisit sans son aide.

Franz ne prenait pas garde. Il fallut la voix douce et toute charmante de sa portière pour le tirer de sa méditation.

La brave dame s’arrêta sur le seuil de la chambre à coucher, et, à la vue de l’or étalé sur la table, elle ôta respectueusement ses lunettes.

— Monsieur me pardonnera, dit-elle en saluant avec solennité, si je suis entrée en me servant de ma double clef… mais Monsieur n’avait pas entendu la sonnette.

Franz se dressa sur son fauteuil ; la portière continua :

— Il n’y a pas à dire, la jeunesse est la jeunesse !… Ce ne sont pas les vieux grigous, l’homme et la femme de cinquante ans, ou cinquante-cinq, peut-être soixante, qu’on a eus ici pour locataires pendant un bail de trois-six-neuf, qui auraient relevé l’appartement comme ça !… Ah ! mais non !… ça avait de vieux meubles ! des commodes, des tables à pieds de serpent, des chaises de paille, des fauteuils d’avant le déluge !…

— Vous venez pour le domestique que je vous ai demandé, ma bonne dame ? dit Franz.