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— Je suis sûr, répondit Kérizat, que ce sont encore ces misérables bandits de Carhoat !…

Ma fâ ian ! dit Yvon.

— Garde bien le château de ce côté, mon brave, reprit le chevalier ; — je vais donner un coup de main à M. mon ami de Presmes, avant de vaquer au service du roi, qui me réclame cette nuit.

Le chevalier disparut dans la direction du jardin et laissa Yvon caresser son vieux fusil de chasse avec envie.

La fusillade continuait de l’autre côté du château.

Au bout de quelques minutes, le chevalier se montra de nouveau sur le perron de la cour.

Il était enveloppé d’un vaste manteau sous lequel sa personne disparaissait complètement.

— Yvon ! Yvon ! cria-t-il avec une grande affectation d’épouvante, — les Loups ont le dessus, et il faut que tout le monde travaille !… Va vite, mon homme !… M. de Presmes m’envoie te chercher !

Yvon poussa un cri de joie, brandit son fusil au-dessus de sa tête et partit comme un trait, en oubliant de dire : Ma fâ ian !

Le chevalier se prit à rire…

Il descendit péniblement les marches du perron.

Si le brave Yvon fût resté à son poste, il aurait pu voir, malgré l’obscurité, qu’un pesant fardeau embarrassait la marche du chevalier.

Mais il n’y avait plus personne dans la cour, le chevalier la traversa le plus vite qu’il put. La clé de la grille était restée à la serrure lorsque Yvon avait fait passer le cheval ; Kérizat l’ouvrit et détacha la bride.

Il rejeta en arrière son manteau et découvrit la forme blanche et affaissée d’une femme évanouie, qu’il portait entre ses bras.

À la faible lueur des derniers rayons de la lune, on aurait pu reconnaître le charmant visage de Lucienne de Presmes.

Il la mit en travers sur son cheval, sauta en selle et piqua des deux, descendant au galop l’avenue.

À ce moment même, les Loups, accablés et vaincus, faisaient retraite en désordre vers la petite porte.

Ils avaient laissé bon nombre des leurs dans le jardin de Presmes, mais ils emmenaient avec eux Prégent de Carhoat, dont une main mystérieuse avait ouvert la prison, et un captif inconnu.

Ce prisonnier ne portait point d’armes. Il avait le costume d’un soldat du roi.

Les Loups franchirent la poterne et se dispersèrent dans le parc où les gens de Presmes n’osèrent pas les poursuivre…