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Elle l’aimait de toutes les forces de son âme. Il n’y avait rien en elle qui ne fût à lui, tout à lui ! — C’était un cœur jeune, fougueux et plein de hardis élans. Son amour dépassait les bornes de la tendresse vulgaire. Elle eût voulu se dévouer, souffrir, mourir ! — Et, d’autres fois, ses ardentes fougues s’alanguissaient, et une extase la berçait en de douces rêveries…

Elle voyait l’avenir bien beau, l’avenir avec lui, dans quelque solitude, loin de l’œil railleur du monde et sous le regard de Dieu qui la savait pure…

Elle priait. — De belles larmes humectaient sa paupière…

Quand M. de Talhoët s’éveillait, secoué par la fièvre, le visage de Laure se penchait au-dessus de lui. En s’ouvrant, le regard du blessé rencontrait son adoré sourire. — Et la surprise heureuse combattait de nouveau sa souffrance. Un baume coulait en ses veines. Il se sentait rafraîchi, soulagé ; il pouvait sourire à son tour.

Alors c’étaient de douces paroles échangées tout bas. On faisait des plans d’avenir. Cet amour mettait dans la vie du chevalier un élément nouveau, et depuis qu’il avait vu Laure à Nantes, il songeait sérieusement à se retirer de la politique. — Quelle paix ! quel repos ! que de calmes plaisirs !

Ils vivraient tous les deux au solitaire manoir de Talhoët, ils se suffiraient l’un à l’autre et leur vie serait un long bonheur.

Les heures de la nuit s’écoulèrent. Le jour naissant trouva Laure au chevet de Talhoët, qui n’avait plus de fièvre, et se sentait ranimé par cette nuit de reposante allégresse.

Le chirurgien revint, posa de nouveaux appareils, et déclara l’état du blessé aussi satisfaisant que possible.

Laure écouta cet oracle avec bien de la joie. Elle reprit sa place au chevet de Talhoët après le départ du chirurgien, et la journée commença comme avait fini la nuit, par de tendres paroles doucement échangées.

Il semblait qu’il ne fût point au pouvoir des choses de la terre de jeter un nuage entre ces deux cœurs qui s’aimaient d’un amour si entier et si sincère !…

Vers neuf heures du matin, un valet de l’auberge entra, et annonça M. le chevalier de Briant.

Laure ne connaissait point ce nom.

Elle passa dans une chambre voisine, et Talhoët ordonna d’introduire le chevalier.

Le chevalier de Briant fit son entrée presque aussitôt après.

Talhoët avait eu occasion de le voir à Paris, où il passait auprès des mécontents pour un chaud partisan de l’indépendance bretonne, comme il passait auprès de M. de Presmes et de beaucoup d’autres encore pour un serviteur dévoué du roi de France.

Il n’était, à vrai dire, ni l’un ni l’autre, et cherchait fortune comme il pouvait, par toutes voies, par tous moyens, sans se donner le souci de choisir. La visite matinale qu’il faisait en ce moment à Talhoët était une de ces précau-