Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/812

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XXIII
LE BLESSÉ


M. le chevalier de Talhoët était arrivé à Rennes, la veille au soir, dans un assez triste état.

Il avait plusieurs blessures, dont l’une présentait quelque gravité. Il était harassé de lassitude, et sa valise avait disparu.

Cette valise, outre une somme assez considérable, contenait des papiers auxquels M. de Talhoët tenait singulièrement.

Depuis fort longtemps, il était mêlé à toutes les intrigues politiques qui se rapportaient directement ou non à la restauration de l’indépendance bretonne. Sans nul doute, ces papiers contenaient quelques notes secrètes, dont la découverte pouvait présenter de graves dangers.

Toujours est-il que M. de Talhoët se préoccupait de leur perte plus encore que de la perte de son argent. Or, les gentilshommes bretons, qui faisaient à cette époque de l’opposition contre le gouvernement de France, avaient, à peu de chose près, épuisé toutes leurs ressources. L’argent était précieux, et pour que M. de Talhoët mît ses papiers au-dessus de son pécule, il fallait que leur importance fut bien grande.

Son valet était resté couché sur le gazon, au carrefour de Mi-Forêt et n’avait pu le suivre. À cette heure, il devait être au château de Presmes, où le vieux veneur lui avait sans doute offert l’hospitalité.

M. de Talhoët arrivait seul. Il descendit à la plus belle auberge de Rennes, qui portait pour enseigne le portrait de la duchesse Anne, et était située derrière le palais des États, au coin de la rue aux Foulons.

Dès qu’il eut pris possession de son appartement, il donna deux messages au domestique de l’auberge. Le premier message était verbal et avait pour objet d’appeler un chirurgien qui pansât ses blessures.

Le second était un billet de quelques lignes adressé à mademoiselle Laure de Carhoat.

Laure attendait, impatiente, depuis deux heures déjà. Elle prit à peine le temps de lire le billet qu’elle serra dans son sein, et partit à pied toute seule pour se rendre à l’auberge de l’Image Sainte-Anne.

Car le bon aubergiste avait sanctifié la duchesse, malgré le caractère peu canonique que l’histoire prête à certains détails de sa vie.