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— Morbleu ! père, dit Philippe qui arma son fusil et fit un pas en arrière, pensez-vous qu’il faille se faire tuer pour épargner cet homme ?

— Attends ! répondit Prégent, — nous allons finir ça tout de suite…

Il jeta son fusil et prit entre ses bras la botte forte de Talhoët pour le soulever et le jeter à bas de son cheval.

Talhoët déchargea son pistolet à bout portant. Prégent tomba à la renverse.

Le fusil de Philippe partit au même instant. Talhoët poussa un gémissement sourd, — mais il redoubla d’efforts et durant une seconde la lutte fut terrible.

En ce moment même des pas nombreux de chevaux retentirent sur le gazon du rond-point.

C’était la chasse qui arrivait, M. de Presmes en tête.

Talhoët, grièvement blessé, étourdi par la grêle de coups qui venait de l’assaillir, avait éperonné son cheval à tout hasard, et l’animal, effrayé, courait maintenant ventre à terre dans la direction de Rennes.

Mais il n’avait plus la fameuse valise, qui était restée entre les mains de Laurent de Carhoat.

La moitié des cavaliers de Presmes perdit les étriers en arrivant au milieu de l’abattis. Il est à peine besoin de dire que le baron de Penchou et Corentin Jaunin de la Baguenaudays furent au nombre des désarçonnés.

Ces deux vaillants gentilshommes ne perdirent point pour cela l’occasion de gagner de l’honneur. Chacun d’eux rencontra un adversaire dans l’ombre, et chacun d’eux entama une lutte à outrance.

Des cris se croisaient cependant ; on cherchait à se reconnaître, et l’on frappait sans se ménager.

Les brigands, suivant toute apparence, devaient être fort mal menés, car les coups de crosse pleuvaient et les horions s’échangeaient avec une prodigalité sans pareille.

On eut dit que tous ces malheureux chasseurs voulaient se dédommager sur les bandits, du piètre résultat de leur journée.

Et ils y allaient de tout leur cœur, battant, sacrant, s’échauffant.

— Holà ! Noël ! s’écria enfin le vieux de Presmes, en s’adressant aux valets de chiens qui étaient restés en arrière. — Holà ! Guyot ! — Allez chercher de la lumière à la loge du sabotier de Mi-Forêt, et revenez vite !

Les valets obéirent ; mais il y avait bien trois cents pas du carrefour à la loge. Avant que Guyot et Noël fussent de retour, M. de Presmes, qui s’était désigné lui-même en prenant la parole, eut le temps de recevoir une demi-douzaine de coups de crosses passablement appliqués.

Les autres combattants redoublèrent de zèle, et la lutte se poursuivit au milieu d’un concert de hurlements.

Enfin des torches apparurent dans le lointain, derrière les arbres et s’approchèrent rapidement.

— Arrivez ! arrivez, cria M. de Presmes. — Ce fut comme un signal.