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C’était une confusion extraordinaire… Les vieux piqueurs y perdaient la tête et M. de Presmes lui-même, malgré sa glorieuse expérience, hésitait comme un jeune valet de chiens à son premier laisser-courre.

La meute, cependant, excellente et bien dressée, tenait bon ; elle restait ferme dans la voie du sanglier, qui s’était forlongé. — Mais, au premier relais, les jeunes chiens impatients et pressés, n’eurent pas le temps de bien goûter la trace et furent enlevés çà et là par le tapage des deux gentilshommes amoureux de mesdames de Presmes.

Ils tournèrent au change. Le vieux veneur désespéré eut beau les accabler des malédictions les plus cruelles que contienne le vocabulaire des chasses, ils étaient affolés, — impossible de les rallier.

Voilà comme quoi le grand vieux sanglier, détourné le matin par maître Hervé Gastel, avait échappé pour cette fois à son sort.

Les manœuvres de M. de Presmes et de ses lieutenants avaient été assurément héroïques. Rien n’avait pu lasser leur courageuse patience, mais les chiens étaient rendus, et la nuit venait offrir au sanglier des chances trop favorables.

La chasse dut reprendre le chemin de Presmes.

Chacun était de fort mauvaise humeur. De temps en temps, les trompes essayaient quelque fanfare chagrine. Il n’y avait guère de contents que Penchou et Corentin Jaunin de la Baguenaudays.

Ces deux gentilshommes étaient en paix avecleur conscience. Ils avaient fait manquer la chasse, mais ce n’avait pas été sans peine.

La nuit était tout à fait venue, lorsque M. de Presmes et sa suite arrivèrent aux environs du carrefour de Mi-Forêt.

Plus ils approchaient du château, plus leur mélancolie augmentait.

Hommes et chiens marchaient en silence. La meute n’avait plus de voix, les sonneurs n’avaient plus de souffle.

Hervé Gastel, qui marchait le premier, s’arrêta tout à coup.

— Écoutez ! dit-il à voix basse.

Ceux qui le suivaient firent halte, et, dans le silence, on entendit à quelques deux cents pas de là un cliquetis métallique.

Ceux qui arrivaient les derniers s’arrêtèrent à leur tour.

— C’est un combat, dit Hervé Gastel.

— Il se fait bien tard ? murmura Corentin Jaunin de la Baguenaudays, — le souper sera froid.

— Silence, monsieur ! dit sévèrement le vieux de Presmes. — il faut battre le bois.

Comme il achevait ces paroles, le bruit redoubla. Une lueur vive se fit, et deux coups de feu retentirent sous le couvert.