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XVIII
LA CHASSE DE PRESMES


Le ravin de la Fosse-aux-Loups où nous avons placé la scène d’un précédent ouvrage, était situé sur les terrains maintenant défrichés qui confinent à la forêt, dans la direction de Saint-Aubin-du-Cormier.

Depuis trente ans cette partie de la varenne de Liffré avait perdu quelque peu de son caractère sauvage. Les ruines des deux moulins à vent se perchaient encore, chancelantes et crevassées, an sommet de la lèvre orientale du ravin. Au fond du trou, se dressait encore le chêne gigantesque, entre les racines duquel le vieux Nicolas Treml avait enfoui l’avenir de sa race[1].

Mais on avait déjà porté la cognée dans les sombres taillis qui formaient, autour de la Fosse-aux-Loups, une sorte de rempart.

Une partie du ravin était à découvert et l’on y avait percé une route qui conduisait de Saint-Aubin-du-Cormier à la croix de Mi-Forêt.

Malgré ces changements partiels, la Fosse-aux-Loups était encore un des lieux les plus agrestes de la forêt ; — à son nom se rattachait une sombre poésie, des souvenirs de révolte et de brigandage.

Les grands souterrains qui avaient leur entrée au fond du ravin, et dont maintenant chacun connaissait l’existence, défrayaient la veillée dans tout le pays de Rennes.

C’était le lieu mystérieux et sauvage où les conteurs aimaient à placer le dénoûment de leurs drames. — Tout avait sa place au fond de ce lugubre entonnoir. L’amour s’y pouvait cacher comme le meurtre.

Il y avait bien longtemps que l’association des Loups, organisée contre l’impôt, était dissoute. Elle avait compté autrefois des milliers de membres et livré des batailles rangées aux gens du roi.

Ceux qui portaient ce nom maintenant étaient purement et simplement des bandits faméliques réduits à un très-petit nombre, et ne sachant plus où cacher leur tête.

Il restait bien encore quelques parties du souterrain, connues d’eux seuls,

  1. Voir la Forêt de Rennes.