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Il était à genoux sur le gazon, derrière les branches croisées… Il eût voulu voir ces instants croître et s’allonger à la durée d’une vie.

Pauvre enfant ! Ce chant qui l’appelait n’était point pour lui. Bleuette l’aimait, mais comme une sœur.

La complainte de Fontaine aux Perles, qui retentissait si souvent dans le taillis, était un signal. — Et René le savait.

Au loin, sous le couvert, la trompe de Hervé Gastel, le jeune sous-lieutenant de vénerie, disait quelques mots vifs et sonores…

Bleuette se levait à cet appel, et bondissait comme René avait bondi tout à l’heure dans les herbes.

Bleuette aimait le jeune veneur comme le pauvre René aimait Bleuette…

Il ne la suivait point cette fois. — Il écoutait son chant s’éloigner et répondre aux appels plus rapprochés du cor. — Son souffle s’étouffait dans sa poitrine.

Quand le chant cessait et que la trompe se taisait, René sentait au cœur une angoisse cuisante. — Il savait qu’en ce moment Hervé et Bleuette venaient de se rejoindre… — Il se couchait sur la mousse et il pleurait.

Mais il ne détestait point Hervé le veneur. Il souffrait et n’était point jaloux.

Les nuits lui rendaient souvent les émotions de ses journées, et ce chant de Bleuette, dont son cœur gardait un écho, venait l’appeler dans son sommeil.

Alors, il se levait endormi et parcourait les deux chambres de la ferme.

Lorsque la vieille Noton ou un de ses frères ne l’éveillaient pas assez vite pour le retenir, il ouvrait la porte de la ferme avec cette adresse particulière aux somnambules, et courait dans la campagne.

C’est pour cela que nous avons vu le vieux Carhoat interroger Noton Renard, chaque fois que celle-ci entrait dans la chambre souterraine, et lui demander des nouvelles du sommeil de l’enfant.

Mais Noton Renard était depuis longtemps couchée. Pendant qu’elle sommeillait sur son grabat, qui touchait au lit de René, celui-ci, entraîné par son rêve, s’était jeté hors de sa couche.

Le hasard avait dirigé son pas aveugle vers la petite porte située entre les deux lits à trois étages, et qui donnait entrée dans le souterrain.

Le jour, cette porte était continuellement close, et sa forte serrure défiait toute tentative. Mais cette nuit, l’orgie se prolongeant, la porte demeurait ouverte.

René la poussa et pénétra, toujours endormi, dans le couloir étroit et humide qui communiquait avec les salles souterraines.

Le froid vif et pénétrant de cette atmosphère nouvelle le saisit. Il s’éveilla au moment où il mettait le pied dans la salle de forme ronde où donnait le couloir.

Il jeta autour de lui ses regards stupéfaits.

Là, tout était nouveau, inconnu, inexplicable. — Il ne savait pas où il était…

La résine achevait de se consumer contre la muraille, et sa flamme crépitante jetait sur les objets une lueur inégale et douteuse.

René distingua vaguement les tonneaux, les armes, les habits, — mais son