Les Carhoat demeurèrent un instant étonnés et muets devant l’arrivée soudaine du chevalier.
Les paroles qu’il avait prononcées en entrant étaient une sorte de défi qui contribuait pour sa part à entretenir le trouble des trois jeunes gens.
Deux d’entre eux, Laurent et Philippe, ne prenaient point la peine de cacher ce qu’il y avait d’hostile et de menaçant dans leur surprise.
Prégent avait haussé les épaules, et s’était assis en disant : Bah !
Le vieux Carhoat avait rejeté en arrière ses longs cheveux blancs comme pour montrer sa belle et noble figure qui n’exprimait rien en ce moment, sinon les sentiments d’une hospitalité franche.
— Soyez le bienvenu, dit-il en remettant son couteau sous sa peau de bique ; — nous n’attendions personne par le chemin que vous avez pris… mais à cela ne tienne !… prenez place, je vous prie, et faites-nous raison…
Le chevalier jeta son manteau à Francin Renard, mit son feutre sur la table et s’assit.
Laurent et Philippe l’imitèrent. — Francin Renard n’osa point reprendre sa place.
— Je suis venu un peu tard pour parler d’affaires, dit le chevalier en regardant les trois fils de Carhoat. — Voici de beaux garçons qui m’ont l’air ivres comme des mariés du pays de Quimper !…
— Nous avons ce qu’il faut de raison. Monsieur de Kérizat, répondit Laurent, pour causer avec vous et vous faire changer d’avis sur ce mariage dont vous parliez tout à l’heure.
— Oui-dà, monsieur le comte ? riposta le chevalier avec raillerie — Je viens de bien loin, savez-vous, pour épouser la comtesse Anne !… et quand il s’agit de cent mille écus de rente, je ne puis avoir qu’un avis.