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Au-delà, la vue ne pénétrait point, et la résine, trop faible, ne pouvait arriver jusqu’au plafond qui disparaissait dans les ténèbres.

Dans cette pièce, le bruit des voix, considérablement rapproché, s’entendait d’une façon distincte. On reconnaissait une discussion animée, au travers de laquelle couraient des jurons et de longs éclats de rire.

La vieille femme la franchit en se hâtant, et frappa trois coups, à l’aide d’un de ses pichés, sur le bois d’une porte qui, trop éloignée de la résine, disparaissait dans l’obscurité.

— Qui va là ? demanda-t-on de l’autre côté de la porte.

— Du vin, répondit Noton Renard.

Le battant massif tourna sur ses gonds rongés de rouille, et Noton se trouva sur le seuil d’une autre pièce qui, par comparaison, semblait brillamment illuminée.

Au milieu de cette pièce, il y avait une table recouverte d’une nappe grossière où se confondaient les débris d’un repas.

Quatre chandeliers de fer étaient aux quatre coins de cette table, autour de laquelle le vieux Carhoat et ses fils s’asseyaient en compagnie de Francin Renard qui tenait le bas bout.

De même que le couloir et la première pièce, celle-ci avait pour muraille le roc nu, coupé de veines terreuses.

On n’y voyait point de meubles, sauf quelques escabelles placées sans ordre le long des murs.

À l’extrémité la plus éloignée de la table, la lumière des quatre chandelles de suif, qui brûlaient dans les flambeaux, éclairait vaguement les dernières marches d’un escalier.

On en voyait quatre, cinq, six ; la septième disparaissait déjà dans l’ombre. Il y en avait peut-être d’autres. — On ne les voyait point.

— Allons, Noton, aimable sorcière, dit le vieux Carhoat, — verse-nous à boire et va-t’en.

La vieille obéit sans répondre. Elle fit le tour de la table, emplissant jusqu’au bord les verres que lui tendaient Carhoat et ses fils.

Quand ce fut le tour de Francin Renard, soir époux, elle fit une grimace de mauvaise humeur et posa le piché sur la table.

— Tu as des mains pour te servir ! gronda-t-elle.

Francin haussa les épaules et se versa tranquillement une rasade. — C’était un époux sensé qui savait ce que vaut la paix du ménage.

— Eh bien ! Noton, dit le vieux Carhoat, — petit René dort-il comme il faut ?

— Pauvre chérubin ! répliqua la vieille, c’est le bon ange de votre maison, Carhoat ! mais tout péché a son châtiment… et Dieu vous le prendra.

— Va-t’en sorcière, va-t’en ! s’écria le vieillard, en frappant du poing la table qui trembla au choc. — Si je te revois ce soir, je te brise un piché sur le crâne.