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Le chevalier s’arrêta une seconde fois, et une seconde fois le bruit cessa.

Une vague inquiétude traversa son esprit. Au lieu de poursuivre sa route en ligne droite, il s’approcha du taillis et battit avec son épée les buissons qui bordaient l’avenue.

Il se disait : Si c’est un chevreuil, il va bondir, et je l’entendrai percer le fourré.

Mais ce n’était point un chevreuil, paraît-il, car le chevalier eut beau battre les buissons, nul bruit ne se fit entendre.

De guerre lasse, il se reprit à descendre l’avenue ; — le taillis cette fois resta silencieux.

— Je me serai trompé, pensa-t-il, — le gros Yvon n’avait pas l’air disposé à faire un tour dans la forêt… n’y pensons plus.

C’était fort bien dit, mais le fait est que le chevalier ne s’était point trompé, sinon en attribuant le bruit à un chevreuil.

Si le bruit cessait maintenant, c’est que celui qui le causait prenait mieux ses mesures.

Hervé Gastel, après avoir escaladé les murs du jardin de Presmes, avait fait le tour du château pour gagner l’avenue.

Sa route, comme celle du chevalier, le conduisait au petit pont de planches jeté sur la rivière de Vanvre, à un demi-quart de lieue du rocher de Marlet.

Le grand tour qu’il avait été obligé de faire avait compensé le retard apporté par Yvon à la sortie du chevalier.

De sorte qu’ils étaient arrivés à peu près en même temps au sommet de la colline ; seulement le chevalier suivait l’avenue, et le veneur, qui allait y arriver en coupant les taillis, était encore sous le couvert.

Leurs positions respectives avaient basculé brusquement. Hervé voyait sans être vu. Épié naguère, il se trouvait épier maintenant.

Et il épiait de tout son cœur, parce que son idée fixe de jalousie lui torturait la cervelle, et que, sous le manteau du chevalier, il croyait deviner l’uniforme d’un soldat du roi.

Rien n’était plus facile, du reste, que de savoir où allait cet homme. Hervé se résolut à le suivre. Seulement, lorsque, par deux fois, le chevalier eut interrompu sa marche et manifesté son inquiétude, Hervé le laissa prudemment prendre une longue avance, et ne le suivit que de loin.

En quelques minutes, le chevalier arriva au petit pont de planches, qu’il traversa d’un pas ferme, malgré l’obscurité.

Hervé Gastel, obligé de quitter en cet endroit les taillis qui couvraient sa marche, redoubla de précautions et traversa le pont à son tour, en rampant sur ses mains et sur ses genoux.

Son cœur battait bien fort, et la respiration lui manquait presque, parce que l’homme qu’il suivait, au lieu de continuer son chemin en ligne directe à la