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Il ne s’agissait donc plus que de chercher et l’on pouvait prévoir qu’ils allaient bientôt donner cours à leur éloquence.

Le vieux Presmes était désormais tout à fait revenu de sa froideur vis-à-vis de son hôte. Il le traitait avec une considération amicale et buvait à sa santé volontiers.

Cependant, lorsque Rérizat restait longtemps sans lui adresser la parole, le bonhomme réfléchissait et tombait en une sorte de perplexité triste.

Il connaissait mieux que personne le passé du chevalier, il l’avait vu toujours aux expédients et avait appris pendant une dizaine d’années à se défier de ses industries.

Ses anciennes impressions combattaient avec énergie l’impression nouvelle que les paroles du chevalier venaient de faire sur lui.

Il entrait en méfiance. — Les flatteries du chevalier sonnaient quelquefois faux à son oreille.

Et puis que signifiait ce changement de nom ?

La raison apportée par Kérizat était bien insuffisante et frivole. N’y avait-il pas apparence qu’un motif secret se cachait sous cette chose avouée ?

Insensiblement, le joyeux et débonnaire sourire de monsieur de Presmes se voilait sous une apparence soucieuse. L’effet naturel de ce changement fut de modérer la joie des officiers de la capitainerie, courtisans nés de cette petite cour.

Veneurs, piqueurs, lieutenants, fourriers, maréchaux et commandants de meute s’attristèrent. Quand on est triste, on aime à parler de choses fastidieuses et lamentables : — la politique tomba sur le tapis.

Dieu sait qu’à cette époque, en Bretagne, le sujet était vaste et fécond.

L’ancienne résistance de la province contre le vouloir royal semblait se réveiller, plus indomptable et plus vivace que jamais. — À mesure que le ministère s’obstinait à remplacer par un régime de bon plaisir les antiques franchises garanties par le pacte d’union, les trois ordres se roidissaient davantage. La noblesse et le clergé oubliaient leurs dissensions séculaires pour repousser l’arbitraire impôt, substitué violemment aux dons gratuits que devaient voter les états. Le tiers, qui comptait alors parmi ses membres une foule de personnages énergiques, dont plusieurs sont restés dans l’histoire, soutenait les deux autres ordres et n’était pas, à l’occasion, le moins ferme des trois.

Les destitutions se succédaient ; les dissolutions tombaient de Paris comme grêle, accompagnées de menaces et apportées par des traîneurs de sabre qui, trouvant trop long de biffer les arrêts séditieux, lacéraient les registres du parlement.

On était menacé du régime militaire, et la guerre civile était dans les prévisions de tous.

Le duc de Penthièvre avait remplacé monsieur le comte de Toulouse, fils de Louis XIV, dans le gouvernement de la province, mais le véritable représentant