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VIII
LA COMTESSE ANNE


Le vieux Presmes était joyeux comme un auteur de tragédies qui a été sifflé avec modération.

Le souvenir des paroles du chevalier, l’idée qu’on parlait de lui à Versailles, à Saint-Germain, à Rambouillet, lui mettait au cœur un contentement sans bornes.

Il se complaisait à penser qu’il y avait un monsieur d’Yauville, propre fils de l’auteur du traité illustre de la vénerie, qui avouait leur parenté et l’appelait mon cousin. Il espérait entrer en rapport avec le descendant du fameux Jacques du Fouilloux, le Théocrite de la Vénerie.

Son honnête visage reflétait bonnement toutes ses joies, tous ses espoirs.

« Quand le roi est de bonne humeur, a dit un grand poète latin, l’univers éclate de rire. » Les officiers de la capitainerie se sentaient tous guillerets à voir le contentement de leur chef. Ils buvaient tant qu’ils pouvaient, du cidre ou du vin à leur choix ; ils trinquaient ; ils entamaient avec les veneurs d’honorables discussions sur les fumées d’un daguet qui avait été vu aux gagnages dans les chaumes de la Bouëxière, — sur un change mémorable qu’avaient pris les chiens de meute au dernier laisser-courre du Pertre, — sur la rage des loups, sur la gale des chiens, et principalement sur un grand vieux sanglier retors qui avait tué les meilleurs lévriers de la capitainerie, et qui désolait tout le pays depuis Saint-Sulpice-des-Bois jusqu’à Thorigné.

Le baron de Penchou et Corentin Jaunin de la Baguenaudays commençaient à s’échauffer tout doucement ; ils levaient le coude comme il faut, et se mettaient une énorme quantité de cidre dans l’estomac.

Ceci, sans préjudice du vin qu’ils entonnaient.

Ces deux bons gentilshommes se sentaient maintenant le courage de placer leur mot dans la conversation. Seulement ils ne trouvaient pomt de mots. S’ils avaient su que dire, nous pensons qu’ils l’auraient dit et très-bien.