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tèrent de gagner le vestibule, où M. de Briant les accueillit par de gracieux saluts et des compliments de condoléance.

Les deux sœurs parurent également surprises à la vue du chevalier.

Lucienne ne dissimula point un mouvement d’aversion ; la comtesse Anne rougit et baissa ses yeux fiers.

Le baron de Penchou et Corentin Jaunin de la Baguenaudays, rouges tous les deux comme des pivoines, saluèrent les deux filles de M. de Presmes qui coururent se mettre entre les mains de leurs caméristes.

Le baron de Penchou et le jeune Corentin se regardèrent avec orgueil.

— Ça va bien, dit Penchou.

— Ça va bien, répondit Corentin Jaunin de la Baguenaudays, qui eut un sourire prodigieusement innocent.

— Ah ! voici ce cher hôte ! s’écria le chevalier de Briant en s’adressant à M. de Presmes, qui entrait le dernier.

En même temps, il s’avança vivement vers le vieux gentilhomme et lui prodigua deux ou trois impétueuses accolades.

M. de Presmes était entré dans le vestibule d’un air de bonne humeur et de joyeuse hospitalité. Cet enthousiaste accueil le prit à l’improviste.

Il fut étonné d’abord ; puis lorsqu’il reconnut le nouvel arrivant, une expression de froideur compassée vint remplacer son joyeux sourire.

— Ah ! ah ! monsieur de Kérizat !… dit-il, je ne m’attendais pas à vous voir de sitôt en Bretagne…

— Cher monsieur, répliqua le chevalier, qui lui prit la main de force et la secoua rondement. — J’étais bien sûr de causer à votre bonne amitié une surprise agréable… ah ! nous avons d’aimables souvenirs à remuer après boire… C’était un joli temps, monsieur mon ami…

— Assurément, assurément ! balbutia le capitaine des chasses, — et je suis flatté de la visite que vous voulez bien me faire… Mais est-ce que vous comptez rester longtemps en Bretagne, monsieur de Kérizat ?

— Hé ! hé ! répondit le chevalier en affectant de se méprendre, et avec cette fatuité complaisante de l’homme qui se fait prier pour demeurer, — je ne sais pas, monsieur mon ami, je ne sais véritablement pas… je viens ici, comme vous le devinez sans doute, pour payer quelques petites dettes…

— Ah bah !… interrompit M. de Presmes.

— Cela vous étonne que j’aie des dettes ? demanda intrépidement le chevalier.

— Non pas, non pas, interrompit le vieux gentilhomme avec une vivacité naïve. — Ce ne sont point vos dettes qui m’étonnent, mais…

— Je le crois bien, interrompit Kérizat à son tour. — Vous êtes vous-même mon créancier, monsieur mon ami… J’ai contracté ça et là quelques obligations… des misères, vous m’entendez bien… vingt ou vingt-cinq mille écus, tout au plus… Je vais me débarrasser de cela.

Le vieux Presmes eut un sourire incrédule.