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seurs ; et leurs ouvrages, bien souvent relus, annotés respectueusement et habillés de splendides reliures, faisaient le fonds de sa bibliothèque.

Le chevalier franchit la grille, dont les deux piliers principaux, supportaient deux bêtes qui ressemblaient un peu à des sangliers. Le poil de ces bêtes était hérissé horriblement et aurait pu faire office de chevaux de frise.

Une partie de la grille paraissait avoir été rétablie depuis peu. La façade elle-même du château portait les traces de réparations récentes.

On eût dit que les plâtriers avaient essayé d’effacer les traces d’une vive fusillade. Les murailles étaient criblées de points blancs sur lesquels avait passé la truelle.

Presque tous les contrevents étaient neufs. Sur les autres, la peinture n’avait point encore recouvert les reprises maladroites, faites par la main novice d’un menuisier campagnard.

Ces reprises avaient pour objet de boucher des trous encore : des trous ronds et nettement arrêtés comme ceux que percent les balles.

Lors de la conspiration de Cellamare, peut-être dans les troubles plus récents qui venaient d’agiter la Haute-Bretagne, Presmes avait soutenu un siège.

Au moment où le chevalier de Briant traversait la cour, les fanfares lointaines arrivèrent par-dessus le faîte des collines.

— À la bonne heure ! à la bonne heure ! dit joyeusement le chevalier. — Yvon, mon gros, tu n’as pas besoin de me répondre que monsieur mon ami est dehors… J’entends, pardieu ! la chasse… elle doit être…

Il s’arrêta et prêta l’oreille.

— Elle doit être, reprit-il, derrière le grand rocher de Marlet… Tiens ! que disais-je… la voilà qui débouche.

On entendit, en effet, à ce moment même, le son plus vif des fanfares que n’interceptait plus la grande masse du rocher.

Yvon, gros garçon, court et chevelu, avait pris le cheval par la bride, et tenait son bonnet de laine à la main.

— Ma fâ ian (ma foi oui), grommela-t-il.

— Et ces dames sont-elles au château ? demanda le chevalier.

Yvon répondit négativement.

— Alors, mon gros, gare à leurs fraîches toilettes !… voilà des gouttes de pluie, larges comme des petits écus de trois livres… elles vont être trempées !

— Ma fâ ian !… répliqua Yvon.

Le chevalier avait mis pied à terre.

Yvon tira la bride du cheval, et tourna le dos pour se diriger vers les écuries.

— Ah çà, mon gros, s’écria le chevalier, est-ce que tu ne me reconnais pas ?

Yvon s’arrêta et fixa sur lui son regard lourd.

— Si, bien, bien, répliqua-t-il tranquillement ; — je vous reconnus tout de même, monsieur de Kérizat… Vous avez fait la cour à ma promise, un temps qui fut…