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Laurent fronça le sourcil, mais Renard, effrayé de l’effet de sa saillie, se tint prudemment an large.

— Eh bien ! mes garçons ! dit le vieux Carhoat, qu’avons-nous fait depuis avant-hier ?

— Mauvaise chasse, repiqua Laurent ; — il n’y a plus au monde, je crois, que des pauvres diables, des bourses vides et des manteaux râpés… mais nous parlerons de cela ce soir, père, ajouta-t-il plus bas ; — l’enfant n’a pas besoin de savoir quel gibier nous courons.

— Eh bien ! petit René, s’écria Philippe, la marmite de Noton Renard est-elle pleine ?

— Je ne sais pas, répondit l’enfant.

Philippe lui fit du doigt une caressante menace.

— Ah ! petit René, petit René, dit-il, tu savais cela encore le printemps passé ; mais le printemps passé, tu n’allais point sous le couvert te cacher pour écouter les chansons de Bleuette.

René devint tout rose comme une jeune fille à qui l’on parle d’amour.

Il secoua sa blonde tête en souriant et s’enfuit dans le fourré.

— Je vais voir si la marmite est pleine, dit-il de loin.

— Comment ! s’écria le vieux Carhoat, vous revenez comme vous étiez partis ?

— Père, nous revenons avec une faim d’enragés, répliqua Prégent. Une journée de voyage, après une nuit passée à la belle étoile, cela creuse l’estomac, je vous jure.

— Vous n’avez donc rien rencontré cette nuit ? dit le vieillard en insistant.

— Bah ! répliqua Prégent, qui haussa les épaules, — allons souper.

— Ni carrosse… ni cavalier… ni piéton ?… poursuivit le vieillard.

Laurent et Philippe joignirent leurs voix à celle de Prégent.

— Allons souper, répétèrent-ils en chœur.

Ils passèrent les premiers, se dirigeant vers le rocher de Martel. — Carhoat et Francin Renard les suivirent en échangeant un regard de désappointement.

Martel, qui n’avait point quitté son observatoire, les vit longer le sentier tortueux qui perçait les taillis. — Il vit les trois cavaliers mettre pied à terre au bas du rocher.

Les chevaux, confiés au petit René, disparurent sous une sorte de hangar, et tout le monde entra dans cette maison adossée au roc, dont la cheminée projetait en ce moment une large colonne de fumée.

Martel descendit alors de sa plate-forme et rentra dans les taillis.

Un instant il se dirigea, comme au hasard, parmi les bouquets de pousses sveltes qui jaillissaient en gerbes de chaque souche.

Son front était penché ; ses mains jointes pendaient ; sa marche était lente et affaissée.

Ce n’était plus une tristesse vague qui pesait sur lui. Son visage exprimait