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II
DANS LES TAILLIS


Le garde-française Martel resta l’œil fixé sur ces deux hommes, cachés dans une anfractuosité du rocher de Marlet.

Ils étaient là peut-être pour s’abriter contre l’orage, mais leur tournure et leurs gestes donnaient vraiment un démenti à cette bienveillante hypothèse.

La pluie, qui tombait à torrents, faisait luire les longs canons de leurs carabines. — L’un d’eux, long, maigre et décharné, portait le costume des pauvres gens de la forêt. Il avait de grands cheveux mêlés sous un feutre en éteignoir ; sa veste, en forme de paletot, retombait sur une culotte de futaine déchirée et nouée par des ficelles au-dessous du genou sur sa jambe nue.

L’autre était grand aussi, mais large et puissant de carrure ; sa casquette de chasse en peau de loup laissait échapper de grosses mèches de cheveux blancs.

Une peau de bique (chèvre) lui servait de frac, et ses jambes étaient recouvertes de guêtres en cuir, boutonnées jusqu’aux genoux.

Martel avait perdu l’envie de descendre auprès de son cheval. La tempête faisait rage ; la pluie le trempait jusqu’aux os, mais il restait ferme à son poste, regardant toujours ces deux hommes…

Au bout de quelques secondes, la cavalcade attendue déboucha derrière le rocher, de l’autre côté de la rivière de Vanvre.

Il y avait nombreuse compagnie de piqueurs et de gentilshommes, qui passèrent au trop de leurs montures, courbés en deux sur la selle pour éviter l’averse.

Puis venaient des valets de chiens à pied menant des couples, — et enfin deux dames en carrosse découvert, qui étendaient leurs écharpes au-dessus de leurs têtes comme un bouclier contre l’orage.

Les deux hommes, tapis contre le flanc du roc, s’étaient penchés comme ils eussent fait sur un balcon.

Quand la cavalcade eut tourné le dos, celui des deux hommes qui était vêtu d’une peau de chèvre, malgré la chaleur accablante de cette journée d’automne