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Des deux côtés du chemin, sur cette même rampe, on voyait moutonner çà et là la tête chauve du roc.

À quatre ou cinq cents pas du pont, la Vanvre tournait brusquement au nord et son cours se trouvait masqué par un grand rocher de forme irrégulière qui, vu de loin, semblait surplomber et pendre sur la petite rivière.

Dans cette partie de la colline, le bois était plus vieux ; les arbres touffus et vigoureux grimpaient le long de la montée et cachaient la base arrondie du roc.

C’étaient de grands châtaigniers au sombre feuillage, entre lesquels blanchissaient les troncs sveltes de quelques bouleaux.

Parmi ces arbres on apercevait le toit grisâtre d’une petite maison couverte en ardoises, qui était comme tapie au pied du rocher.

Elle était un peu plus élevée que les pauvres loges couvertes en chaume où les gens de la forêt font leur demeure.

Son toit d’ardoises lui donnait d’ailleurs une physionomie autre et moins indigente que celle des cabanes du pays ; en outre elle avait une girouette, ni plus ni moins que si ses maîtres eussent été de bons bourgeois de Rennes ou de Vitré.

De tout autre point de l’horizon, il devait être fort difficile de distinguer cette maison autrement que par la fumée de son foyer.

D’en haut, elle était couverte par les arbres ; d’en bas, le grand rocher qui l’entourait à demi la masquait entièrement.

De l’autre côté de la Vanvre, à égale distance du pont, mais dans une direction opposée, on apercevait une magnifique avenue dont les vieux chênes s’alignaient, montant de biais la rampe méridionale.

Du fond de la vallée on ne voyait entre les grands arbres de l’avenue qu’une échappée du ciel gris de Bretagne ; il fallait monter sur la colline du nord pour découvrir, tout au bout de la longue allée, un charmant château assis au revers, un peu au-dessous de la rampe opposée.

C’était un édifice d’architecture gracieuse et d’un riant aspect. La poivrière du moyen âge y avait conservé sa petite place au milieu des constructions plus modernes et piquait le ciel de son toit pointu tout près de larges cheminées en briques rouges.

Au-dessous du château, le taillis se tondait insensiblement avec une haute bruyère, qui touchait elle-même à des champs cultivés, coupés de prairies où la Vanvre déroulait à perle de vue son mince filet d’azur.

On était au commencement de l’automne. Les ajoncs jaunissaient sur la lande, mêlant leur or foncé au rose changeant des bruyères. — Au loin, les moissons coupées laissaient leur chaume terne et pâle qui tranchait sur le vif vert des grandes prairies.

La vallée était déserte et silencieuse. On n’y entendait pour tout bruit que le murmure paisible de la Vanvre, caressant les piles vermoulues du petit pont, et