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— C’est étrange ! dit-elle enfin : — j’en ai une toute pareille.

Elle enleva rapidement le cordon qui retenait la médaille au cou de Didier, et tirant en même temps la sienne de son sein, elle s’élança vers la croisée afin de comparer.

Pelo Rouan, qui depuis cinq minutes guettait le moment où Marie cesserait de se trouver entre lui et le capitaine, poussa un soupir de soulagement et mit le capitaine en joue.

— Elles sont pareilles ! s’écria Marie avec une joie d’enfant : — toutes pareilles !

Pelo Rouan tenait la poitrine du capitaine au bout de son mousquet ; il allait tirer. Le cri de Marie détourna son attention, et son regard tomba involontairement sur les deux médailles.

Il jeta son fusil, qui de branche en branche dégringola bruyamment jusqu’à terre ; une exclamation de surprise s’échappa de ses lèvres. Marie leva la tête, aperçut son père et demeura terrifiée.

Par un mouvement tout instinctif, elle voulut se rejeter en arrière et fermer la croisée, mais Pelo Rouan l’arrêta d’un geste impérieux et mit un doigt sur sa bouche pour lui recommander le silence.

Didier avait fermé les yeux et donné son esprit à quelque douce rêverie d’amant heureux.

Pelo Rouan se laissa glisser le long d’une des branches du bouleau et atteignit la toiture de chaume de la loge d’où il s’élança sur l’appui de la croisée. — Marie n’osait bouger et le capitaine ne voyait rien. — Pelo prit les deux médailles et mit une grande attention à les examiner. Puis il écarla sa fille afin de s’avancer vers le lit.

— Ne le tuez pas, mon père ! oh ! ne le tuez pas ! s’écria Marie en pleurant.

Didier se redressa d’un bond sur son séant à ce cri ; mais Pelo Rouan l’avait prévenu et faisait peser déjà sa lourde main sur l’épaule nue du capitaine.

— Mon père ! mon père ! cria encore Marie avec désespoir.

— Chut ! dit le charbonnier à voix basse.

Durant quelques minutes il contempla le capitaine en silence. Pendant qu’il le regardait, une émotion extraordinaire et croissante se peignait sur ses traits noircis ; deux larmes contenues jaillirent enfin de ses yeux. Il se laissa tomber à genoux et baisa la main de Didier avec un respect plein d’amour.

— Que veut dire cela, mon brave homme ? demanda le capitaine étonné.

— Sa voix aussi ! murmura Pelo Rouan, plongé dans une sorte d’extase ; — sa voix comme ses traits… et je ne l’avais pas reconnu !

Didier le crut fou. Fleur-des-Genêts pensa rêver.

— Je comprends maintenant, reprit Pelo se parlant toujours à lui-même ; je comprends pourquoi Vaunoy voulait l’assassiner… Et moi qui le laissais faire ! Qui donc l’a sauvé à ma place ?

— Moi, prononça faiblement Marie.

— Toi, répéta Pelo Rouan, qui serra la jeune fille sur son cœur avec exaltation ; — toi, enfant ? Merci ! merci du fond du cœur !… Tu as fait tout ce que