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— Je suis Nicolas Treml de la Tremlays, seigneur de Bouexis-en-Forêt répondit le nouveau venu.

— Et que voulez-vous ?

— Me battre en combat singulier contre le régent de France.

Ces étranges paroles furent prononcées d’un ton grave et ferme, exempt de toute fanfaronnade.

Les courtisans se regardèrent. Un muet sourire vint à leurs lèvres. Les dames étaient puissamment intéressées ; elles contemplaient cela comme on suit une représentation dramatique. Tout est spectacle pour les femmes.

C’était en effet un spectacle singulier et fait pour étonner, que ces deux hommes, débris d’un autre siècle, mais débris vigoureux, menaçants, intrépides, au milieu de ces mignons à visages efféminés, — que ces longues épées à garde de fer, parmi ces rapières de parade, que ces pourpoints de gros drap sans rubans ni broderies, au milieu de tout cet or et ce velours. On eût dit que la Bretagne du XVe siècle sortait du tombeau et venait demander raison de la conquête aux arrière-neveux des conquérants.

Philippe d’Orléans avait senti d’abord un mouvement d’inquiétude, mais dix gentilshommes le séparaient maintenant du vieux Breton. Il oublia sa passagère frayeur.

— Cet homme est fou, dit-il en riant ; il fera peur à nos dames. Qu’on le chasse.

L’ordre était explicite, mais la rapière de Nicolas Treml était longue. Les gentilshommes ne se pressaient point d’attaquer.

Le vieux Breton ôta lentement son gant de peau de buffle qui pouvait bien peser une livre.

— Il faut en finir ! murmura le régent avec impatience.

— Il faut en finir ! répéta gravement Nicolas Treml. — On m’avait dit que le sang de Bourbon était un sang héroïque ; mais la renommée est menteuse, je le vois, ou bien la branche aînée a gardé tout entier l’héritage de vaillance… Philippe d’Orléans, régent de France, pour la seconde fois, je te provoque au combat !

Ce disant, M. de la Tremlays dégaina.

Les gentilshommes en firent autant. Les dames trouvèrent que la comédie marchait à souhait.

— Soyez témoins ! reprit Nicolas Treml d’une voix haute et solennelle, ne pouvant accuser le roi qui est un enfant, j’accuse le régent de France de tenir en servage la province de Bretagne, laquelle est libre de droit. Pour prouver la vérité de mon dire, j’offre le combat à outrance et sans merci. Si Dieu permet que je succombe, la Bretagne n’aura perdu qu’un de ses enfants. Si je suis vainqueur, elle recouvrera ses légitimes privilèges.

— Un combat en champ clos ! murmuraient les courtisans qui n’étaient point fort éloignés de s’amuser de l’aventure. Un combat entre Son Atlesse Royale et M. Nicolas !… l’idée vaut quelque chose…

Le régent ne riait plus.

Quant aux dames, saisies par le côté romanesque de l’aventure, elles admi-