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À ce nom d’Arahy, Hans, Gertraud et tous les Allemands de Paris ouvrirent de grands yeux. Esther et Abel levèrent sur le vieillard un regard interrogateur. Moïse, immobile et comme pétrifié, ne niait pas…

Sara s’était redressée. Ses yeux, où brûlait un feu sombre, se fixaient sur son père.

— Ah !… dit-elle d’une voix sourde, c’est vous qui êtes Araby !

Plus rapide que la pensée, elle s’élança vers la petite Galifarde qui essayait de se cacher derrière Gertraud, et l’entraîna jusqu’auprès du vieillard.

— Est-ce vrai Judith ? demanda-t-elle.

— Oui, répondit l’enfant.

Sara lui arracha le fichu de soie qui se nouait autour de son cou, et la poitrine de la petite fille apparut, portant encore les marques de la cruauté du juif. Il y avait un râle dans la gorge de Sara ; elle écumait de fureur.

Le regard de madame de Laurens erra sanglant et sombre, de la poitrine blessée de l’enfant, au visage épouvanté du juif.

— C’est vous qui avez fait cela ? prononça-t-elle avec effort ; on dit qu’elle va mourir ! c’est vous qui l’avez tuée ! ah ! je ne suis pas la fille d’Araby, le vendeur de haillons !… qu’importe à mademoiselle de Geldberg qu’on mette à Charenton un usurier du Temple !

Les yeux du vieillard se remplirent de larmes.

— Sara, balbutia-t-il ; ma petite Sara chérie ! c’était pour vous !

Il essaya de lui prendre la main ; madame de Laurens le repoussa d’un geste impitoyable.

— Vous êtes fou, dit-elle.

Alors, le malheureux vieillard, la joue pâle et les mains jointes, se traîna vers ses deux autres enfants qui détournèrent la tête. Les témoins de cette scène avaient froid jusqu’au fond du cœur. Moïse de Geldberg resta un instant comme atterré ; puis ses yeux, mouillés de pleurs encore, se levèrent au ciel.

— C’était pour eux, mon Dieu, ce que j’ai fait ! murmura-t-il ; pour eux, toute une vie d’efforts et de crimes !… Seigneur ! écoutez la voix d’un père !… enfants ingrats, je vous maudis !

Sa taille chancelante s’était redressée ; si bas qu’il fût tombé, il y avait