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témoin des choses passées depuis vingt ans… mais j’ai contre vous, sachez-le, des armes plus terribles que l’épée elle-même !… Reconnaissez-vous ce jeune homme pour le fils de Gunther de Bluthaupt et de la comtesse Margarethe ?

Sara se tourna vers son père comme pour l’endurcir dans son refus ; mais le vieillard se souvenait de la scène de la Rotonde : il était subjugué.

— Oui… répondit-il d’une voix à peine intelligible.

La vicomtesse et Julien firent un mouvement ; jusque-là ils avaient douté encore. Le trouble de Denise la faisait plus charmante. L’impression d’horreur éprouvée en entrant dans cette chambre avait fui. Elle ne songeait plus qu’à Franz : elle le contemplait à la dérobée, mille fois heureuse des dangers évités. Elle avait le cœur gros d’espoir et d’allégresse. Un monde de pensées s’agitait dans le cerveau de Franz. Le baron de Rodach poursuivit :

— Nous avons ici trop de témoins pour que Vous puissiez reprendre la parole prononcée, Mosès Geld… et ceci vaut un acte de naissance, car vous seul désormais aviez intérêt à nier là vérité… Maintenant, il va sans dire que le fils de Bluthaupt doit rentrer dans l’héritage de ses pères.

Il y eut un regard échangé entre Abel, Esther et Petite.

— Le fils de Bluthaupt, comme vous l’appelez, répliqua cette dernière, aura le château de Geldberg et le château de Rothe.

— Cela ne suffit pas, dit le baron ; Bluthaupt possédait tout le pays entre Esselbach et Obernburg… il faut que la restitution soit complète !

Sara laissa échapper un geste de colère contenu.

— Notre fortune entière n’y suffirait pas, Monsieur, murmura timidement Abel.

— Il le faut !… répéta Rodach.

Puis il ajouta en étendant le doigt vers la pendule :

— Le temps me presse… je vous donne une minute pour vous consulter… Madame de Laurens, qui connaît le contenu de certaine cassette, pourra vous fournir d’excellents conseils.

Esther, Abel et Sara profitèrent de la permission et se prirent à parler à voix basse. Tandis qu’ils s’entretenaient, le vieux Moïse de Geldberg