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CHAPITRE XI.

L’HÉRITIER DE BLUTHAUPT.

On avait placé des torches dans les vieux candélabres ; une lumière rougeâtre et intense éclairait les moindres recoins de la chambre de Franz. Une lutte terrible venait d’avoir lieu. Quatre cadavres étaient couchés sur le sol ; Reinhold, Van-Praët et Mira gisaient dans leur sang. Le Madgyar était tombé sur le dos, et ses yeux, grands ouverts, semblaient menacer encore. L’épée d’Otto restait dans sa poitrine… Il n’y avait plus là qu’un seul des bâtards de Bluthaupt, celui qui a traversé notre récit sous le nom de baron de Rodach. Mais la porte de l’oratoire restait entr’ouverte, et l’on pouvait deviner que les autres n’étaient pas loin.

Franz s’était éveillé en sursaut, au bruit de la bataille. Il s’appuyait sur le coude et regardait, d’un œil plein d’épouvante et de stupéfaction, tantôt la grande silhouette d’Otto, qu’il voyait par derrière, tantôt les quatre cadavres étendus sur le sol. Madame de Laurens s’était laissée choir sur un fauteuil : sa joue était pâle, son front se ridait, mais elle ne baissait point la tête. Derrière elle, sa sœur Esther se cachait le visage pour ne point voir le sang. Auprès de la porte, le jeune M. Abel, appuyé contre la muraille et les yeux hors de la tête, restait comme frappé de la foudre. Dans un coin le vieux Moïse, à demi-mort de frayeur, se pelotonnait sur lui-même : il n’osait ni bouger ni respirer ; on entendait ses dents claquer