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glissaient comme d’énormes fantômes sur la pente de la montagne ; les ruines blanches du vieux village se dressaient, semblables à des spectres revêtus de longs suaires blancs. Le bruit continuait ; Lia, sans autre pensée que celle de fuir cette épouvante qui l’affolait, ouvrit sa porte et se précipita dans le corridor. Quatre heures de nuit sonnaient à l’horloge du château. Dans le corridor, on entendait un lointain écho de la musique du bal. Sans savoir, Lia se dirigea vers la fête, attirée par ce bruit qui la rassurait instinctivement. Elle descendit l’escalier. L’escalier donnait dans cette galerie où nous avons vu Klaus s’engager naguère, en sortant de la chambre de Van-Praët, après le conciliabule des associés de Geldberg. À gauche, ce corridor aboutissait à la petite porte par où Klaus avait gagné la cour de la chapelle ; en suivant la galerie sur la droite, on arrivait à la partie habitée du château. C’était ce chemin que Lia prenait toujours, et il est à croire qu’elle ne soupçonnait même pas l’existence de la porte conduisant à la chapelle en ruines. Comme elle tournait à droite, après avoir franchi la dernière marche de l’escalier, un homme passa rapidement devant elle. La lampe qui brûlait à l’extrémité de la galerie laissait l’endroit où se trouvait Lia dans une complète obscurité ; d’ailleurs elle se trouvait cachée par la saillie de l’escalier : l’homme ne l’aperçut point et continua sa route à grands pas. Malgré les ténèbres, la jeune fille avait entrevu son visage. Elle s’appuya, défaillante, contre le mur.

On entendit le bruit de la porte de la cour qui s’ouvrait et se refermait. Lia se redressa, galvanisée par une pensée soudaine. Elle reprit sa marche, mais en sens inverse, et se dirigea, elle aussi, vers la petite porte. Quand elle l’eut franchie, elle se trouva dans une cour de peu d’étendue, dont la lune éclairait d’aplomb le pavé recouvert de gazon. À sa gauche se dressait un rempart massif ; à sa droite était la chapelle ruinée dont elle avait admiré souvent, de sa fenêtre, la gothique architecture. En ce moment, la lune jouait parmi les arceaux brisés, et découpait bizarrement les dentelles de pierre des grandes fenêtres en ogives. Lia traversa la cour, et entra dans la chapelle par la brèche béante où nous avons vu Klaus s’engager la veille…

Dans la chapelle, la lumière blafarde et pâle arrivait à la fois par les fenêtres sans vitraux et par le large vide de la voûte démantelée ; de