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Le corps affaissé de Julien se redressa violemment. Tout son sang vint à sa joue.

— Vous mentez ! s’écria-t-il en portant la main au masque de l’inconnu.

Celui-ci le repoussa sans perdre son calme. Mais un démenti, cela s’entend d’une lieue ! La foule vint, avide de savoir. De sorte que, dans l’immense salle, tout le monde avait son spectacle gratis. Ici c’était la vicomtesse insultée ; là Franz qui tenait un homme au collet comme un voleur ; là encore Julien d’ Audemer frémissant de rage en face de son adversaire. Les Hommes Rouges étaient de haute taille tous les trois, et leurs regards dominaient ce flot confus de têtes. Il y eut entre eux, de loin, comme un muet accord. Tous trois serrèrent leurs manteaux autour de leurs tailles, et firent mine d’opérer leur retraite. Ils étaient entourés de tous côtés et serrés de près ; mais parmi la foule, à bien regarder le mouvement qui se fit, on eût pu croire qu’ils avaient d’assez nombreux auxiliaires. Julien, Franz, le docteur et d’autres voulurent leur fermer la route de force ; un tumulte soudain s’éleva ; des hommes que nul ne connaissait percèrent la foule et se mirent avec une maladresse feinte au-devant de Julien, de Franz et de tous ceux qui prétendaient s’opposer à la retraite des trois manteaux rouges. Les dames criaient, effrayées ; les hommes s’efforçaient à vide, ne sachant pas très-bien ce qu’ils voulaient. On se mêlait, on se poussait, on s’écrasait.

Reinhold cherchait partout le seigneur Yanos, dont l’aide eût été si précieuse en pareille circonstance ; mais le Madgyar avait regagné son appartement depuis plus d’une heure. Les trois Hommes Rouges, suivant des lignes convergentes, s’avançaient lentement vers la porte principale. Ils arrivèrent au seuil, protégés toujours par un cercle d’inconnus qui s’agitaient et faisaient semblant de vouloir les combattre. Un instant, on les vit tous trois côte à côte, près du seuil. Leurs hautes tailles étaient exactement égales ; vous eussiez dit trois épreuves calquées sur le même dessin. Ils sortirent. La foule, Julien et Franz en tête, se rua sur leurs traces dans l’antichambre. Cette mystérieuse cohorte qui avait protégé leur fuite se dispersa. L’antichambre s’emplit, ainsi que les corridors voisins. Et pendant qu’on cherchait à force, des voix s’élevèrent qui disaient :