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— Pardon de la liberté grande, monseigneur !… On osait prendre cette permission et je pense qu’on la prendra plus d’une fois encore… Bon Dieu ! si l’on vous laissait faire, vous iriez vous jeter, en riant, dans le premier piège venu !

Franz frappa du pied avec impatience.

— Je n’aime pas ce ton-là, dit-il, et rien ne me déplaît comme d’être traité en enfant !

— Gracieux seigneur, répliqua le premier Homme Rouge, sans perdre son accent de franche raillerie, ne vous fâchez pas, au nom du ciel !… on saura bien vous sauver malgré vous… et si vous pouvez seulement vous garder jusqu’à demain soir…

— Ah çà ! interrompit Franz, moitié gai, moitié colère, vous me paraissez bien savant sur ce qui me concerne !…

— Très-savant ! mais tenez !… un bon conseil, pendant que j’y pense !… n’allez pas demain à cette chasse aux flambeaux.

— Par exemple ! commença Franz, qui éclata de rire.

— Je m’attendais à cela… eh bien ! si vous y allez, promettez-moi, du moins, de ne pas vous séparer du gros de la foule.

— Pourquoi ?

— Parce qu’on a eu le temps de recharger le fusil qui vous a envoyé une balle à l’épaule…

Le deuxième Homme Rouge et Julien étaient face à face.

Ce qu’on voyait du visage de Julien, peignait le mécontentement et la colère. On devinait une provocation prête à tomber de sa lèvre plissée.

L’Homme Rouge disait d’un ton froid et calme :

— Ce n’est pas pour vous que je parle, monsieur le vicomte ; c’est pour votre père qui fut mon bienfaiteur… Je ne vous dis plus, comme autrefois : Vous allez épouser la fille d’un meurtrier…

— Autrefois ?… répéta Julien.

— Oui… ce n’est pas le premier avertissement que je vous donne… À Paris, la nuit du dimanche au lundi-gras…

— Au bal Favart ?… interrompit Julien.

L’Homme Rouge s’inclina.

— Ah ! fit le jeune vicomte en se rapprochant ; c’était vous ?