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— En voilà un autre, s’écria la marquise, qui prend le bras de la comtesse, votre sœur !

— Charmant ! fit le jeune monsieur Abel ; ils sont au grand complet !… Voici le troisième qui accoste ce petit fat de Franz !

Tout cela était vrai. Les trois Hommes Rouges, qui, depuis le commencement du bal, jouaient un rôle passif, peu en rapport avec leurs fantastiques costumes, trouvaient enfin qu’il était temps d’agir. Une triple scène s’entama en ce moment qui rappelait un peu de loin, pour les curieux, celle de l’ermite. En effet, tous les gens accostés par les trois Hommes Rouges semblaient étrangement intrigués. Le premier avait touché l’épaule de Franz et lui avait dit d’un ton paternel :

— Vous êtes un étourdi, mon très-cher, et vous donnez beaucoup de mal à des hommes raisonnables qui valent cent fois mieux que vous !

Franz se retourna stupéfait.

Pendant cela, le second Homme Rouge murmurait à l’oreille du frère de Denise :

— Monsieur d’Audemer, vous êtes d’une pure et noble race… j’ai connu monsieur votre père et j’étais son ami.

— Qui que vous soyez, monsieur, interrompit Julien, ces discours me semblent bien graves pour le costume que vous portez au lieu où nous sommes.

— Je n’avais à choisir ni pour le lieu ni pour le costume, monsieur le vicomte… et ce sont en effet des choses bien graves que je vais vous dire !…

Le troisième Homme Rouge s’était placé devant la vicomtesse et l’avait séparée de la foule.

— Comtesse Hélène de Bluthaupt, lui dit-il d’un ton solennel et sévère, vous avez donc tout oublié ?

Denise dansait ; le chevalier de Reinhold faisait l’aimable dans une autre partie de la salle ; l’Homme Rouge avait choisi un moment où madame la vicomtesse d’Audemer était seule. Le bal s’agitait autour d’elle et la laissait isolée. Ce nom de Bluthaupt, qu’on venait de lui donner et qu’elle ne portait pas depuis si longtemps, la jeta tout d’un coup au beau milieu du passé. Un monde de souvenirs s’éveilla brusquement dans son