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le bras de Reinhold, repoussa le gros Van-Praët, qui lui faisait obstacle, et toucha l’épaule du seigneur Georgyi. Celui-ci se retourna.

Ils étaient tous deux de grande taille et robustes tous deux. L’idée vint aux curieux que cette dernière scène ne ressemblerait point aux autres. Car, jusque-là, l’ermite semblait avoir frappé toujours, sans jamais subir de représailles. Tous les yeux s’ouvrirent ; on eût donné des centaines d’actions du chemin de fer pour savoir ce qui allait se dire.

— Un mot, s’il vous plaît, seigneur Georgyi, murmura l’ermite en sortant de la salle à moitié, pour se poser en face de son interlocuteur.

— Que me voulez-vous ? demanda le Madgyar.

— Je veux vous dire, répliqua l’ermite, que depuis hier vous cherchez très-vaillamment cet homme qui vous fit naguère une visite à Londres.

Yanos se redressa comme un cheval qui sent l’éperon. L’ermite poursuivit :

— Et qui se servit de votre femme pour…

Il n’eut pas le temps d’achever : Yanos, poussant un rugissement de colère, lui avait saisi les deux mains à la fois.

— Ne lâchez pas ! dit Reinhold à son oreille, c’est le baron de Rodach.

La poitrine de Yanos s’enfla en un mouvement de rage satisfaite.

— Je te tiens donc enfin ! s’écria-t-il avec un éclat de voix.

C’était la première parole entendue par les invités curieux. Ce fut la dernière. Malgré la vigueur apparente du Madgyar, l’ermite se dégagea de son étreinte comme en se jouant.

— Il n’est pas temps encore, murmura-t-il.

Et il s’élança dans le corridor. Le Madgyar se précipita sur ses traces. Durant les premiers instants, il put le suivre le long des galeries brillamment éclairées ; mais l’ermite paraissait connaître à fond le château. Après plusieurs détours, il arriva dans d’étroits et longs corridors, où les lueurs du bal ne pénétraient plus.

Le Madgyar le distinguait à peine comme une ombre, courant au-devant de lui. À un certain endroit où les ténèbres étaient plus épaisses, la voix de l’ermite s’éleva dans la nuit.