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adressé la parole. L’ermite venait de l’écarter de la main assez brusquement, et il lui avait dit tout bas :

— Rangez-vous, s’il vous plaît, savant inventeur du breuvage de vie !…

Ce mot avait rajeuni Mira de vingt ans, et lui avait montré le vieux Gunther tenant d’une main mal assurée son gobelet d’or empli de poison. L’ermite l’avait dépassé, sans ajouter une parole, et avait glissé son bras sous celui du chevalier. Au contact de ce bras, le pauvre Reinhold se sentit venir la chair de poule ; il aurait voulu être à cent pieds sous terre.

— Décidément, lui dit l’ermite, vous êtes un pauvre homme, monsieur le chevalier ! vous vous êtes donné bien du mal pour voler le contenu de certaine cassette…

Les dents de Reinhold claquèrent, et une sueur froide mouilla les rubans de son masque.

— Croyez bien… commença-t-il.

— Taisez-vous ! interrompit l’ermite qui lui serra le bras.

Reinhold n’avait pas même la force de regarder autour de lui pour chercher assistance. L’ermite entr’ouvrit sa robe de bure, et le chevalier crut qu’il cherchait un poignard. S’il n’eût point détourné la tête avec épouvante, il aurait aperçu, derrière les plis grossiers de la robe, un pourpoint de soie taillé suivant la mode gracieuse de la cour d’Élisabeth d’Angleterre, et tout resplendissant de pierreries.