Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sara se laissa tomber sur ses deux genoux ; la douleur sans bornes dominait en elle de nouveau la colère.

Elle appuya sa tête contre le matelas, et demeura comme abîmée dans son angoisse.

Il y avait un contraste bien étrange entre cette détresse désespérée et le luxueux éclat du costume de bal.

L’œil hésitait, blessé, entre cette toilette frivole, qui éveillait des idées de plaisir, et le désespoir de cette mère, agenouillée, qui sanglotait tout bas.

Il y avait quelque chose de plus poignant dans cette détresse que semblait railler la riante parure du bal…

La marchande n’osait plus ni parler ni bouger.

Sara se redressa soudain, parce qu’une toux creuse souleva la poitrine de l’enfant.

Elle resta muette, tandis que ses yeux disaient une épouvante navrée.

Puis tout à coup son regard s’alluma sous ses sourcils froncés violemment.

— Araby !… dit-elle encore, oh ! je le trouverai… mais ce n’est pas lui tout seul !… Et je crois que je vais la venger !

Ses lèvres se relevèrent ; cela ressemblait presque à un sourire.

— C’est lui qui n’a pas voulu ! reprit-elle, c’est lui qui m’a forcée de lui fermer les portes de ma maison !… sans lui, aurait-elle été jamais sous les ongles de ce monstre ?… Ah ! je ne croyais pas pouvoir le haïr davantage !

Elle tourna le dos au lit et se dirigea vers sa chambre à coucher.

— Venez, ma bonne, dit-elle d’une voix qui ne tremblait plus ; je suis en retard… Achevez ma toilette.

Batailleur croyait rêver. Ce calme, brusquement revenu après l’effrayante colère, achevait de l’abasourdir.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il ne manquait plus rien à la toilette de Sara ; elle jeta un dernier regard à son miroir et trouva la force de sourire.

Ses traits ne gardaient aucune trace de sa récente agonie ; elle portait la tête haute et l’aigrette de diamants qui ornait sa coiffure orientale mettait d’éblouissants reflets dans sa prunelle.