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Petite avait les yeux fixés sur son miroir ; mais elle ne se voyait point ; sa pensée était bien loin de la fête prochaine. Elle rêvait.

Sa rêverie, en ce moment, était chagrine ; on voyait la courbe, délicate et noire comme le jais, de ses sourcils se froncer par instants ; ses lèvres se relevaient en un sourire méchant et amer.

La chambre où elle se trouvait était ornée avec goût, mais ne rappelait en rien les magnificences érotiques de son boudoir de Paris. Par une porte ouverte, on apercevait l’intérieur de la pièce occupée par la marchande du Temple ; on y voyait deux lits, dont l’un disparaissait à moitié derrière de longs rideaux tombants.

Le regard de Sara se dirigeait souvent vers ce lit, et alors sa physionomie s’adoucissait tout à coup jusqu’à exprimer l’amour le plus tendre.

— Tout de même, dit Batailleur en essayant le turban sur ses deux mains arrondies, voilà un article qu’on ne trouverait pas dans beaucoup de magasins de la capitale !… Ma chère Madame, ajouta-t-elle avec un mouvement d’orgueil bien légitime, je parie que vous ne regrettez pas vos deux criquettes de femmes de chambre.

— Non, répliqua madame de Laurens avec distraction.

— À la bonne heure !… Voyons, nous coiffons-nous ?

— Pas encore, dit Sara, j’ai le temps.

— Ah ! si c’était moi, s’écria la marchande, comme je serais pressée de voir tout ça !… Ça va-t-il être soigné, mon Dieu ! quand j’y pense !… mais il n’y a pas à dire non, voyez-vous, quand mon Polyte entrera pour jouer son rôle, il faut que je puisse le regarder un petit peu.

— Nous verrons cela, ma bonne.

— Ah dame ! c’est qu’il est très-bien avec son grand manteau… Il n’est pas bête, allez, Polyte, sans que ça paraisse !…

Petite se leva et entra sans répondre dans la chambre de Batailleur ; elle se dirigea vers le lit entouré de rideaux.

Une bougie qui brûlait sur la table éclairait la chambre faiblement, Sara souleva les rideaux et découvrit le visage d’une petite fille endormie.

C’était encore une de nos connaissances du Temple : Nono, la pauvre servante du bonhomme Araby.