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Il avança un fauteuil entre Petite et le docteur.

Tous les yeux étaient fixés sur lui et il jouissait au plus haut degré de cette attention excitée. Cela flattait l’enfantillage qui entrait dans sa nature à si forte dose.

Les associés, qui le connaissaient sur le bout du doigt, se taisaient ; ils savaient que le plus sûr moyen de le faire parler était de ne point l’interroger.

— Ma foi, dit-il, mes bons amis, je crois avoir fait ce matin une excellente besogne… c’est-à-dire, je ne crois pas ; je suis sûr !

Il fit le geste de s’asseoir, puis il se ravisa brusquement ; une idée venait de traverser sa cervelle.

Il voûta son dos, il ramena ses épaules en avant et se prit à marcher dans la chambre en faisant des contorsions bizarres.

Tout en marchant, il fredonnait d’une voix assourdie :

Le père Hans a mis la petite boîte,
Tout en haut de l’armoire, tout en haut…

Les associés se regardèrent.

— Que signifie cela ? murmura madame de Laurens.

— Il est fou ! dit Van-Praët.

Le chevalier éclata de rire.

— Hue ! bourrique !… s’écria-t-il.

— Par le ciel ! gronda le Madgyar, cet homme voudrait-il se moquer de nous ?

L’étrange gaieté du chevalier tomba comme par enchantement.

— Je vois bien, belle dame, dit-il en évitant les regards courroucés d’Yanos, que vous n’êtes pas en humeur de plaisanter…

Ce disant, il prit définitivement place entre Mira et madame de Laurens.

— Soit, poursuivit-il, ne plaisantons plus !… aussi bien il s’agit d’une chose très-sérieuse… mais vous me pardonnerez un accès d’innocente gaieté quand vous saurez mon histoire… ma parole d’honneur ! voyez-vous, c’est fantastique et ces choses-là n’arrivent qu’à moi.

— Nous vous pardonnons, repartit Sara, si vous ne nous faites pas attendre davantage.