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ligué avec ce jeune Franz pour partager nos dépouilles après la victoire.

Van-Praët tira ses mains des manches de sa robe de chambre ; le docteur eut recours à sa tabatière d’or.

Le Madgyar était redevenu impassible en apparence.

— Mais alors, dit Mira, le jeune homme saurait son origine ?

— Je le crains, répliqua Petite.

— Et nous n’avons pas pu !… soupira Van-Praët.

— Nous essaierons encore, répondit madame de Laurens, dont l’œil avait des rayons intrépides ; si j’étais homme, nous n’essaierions qu’une fois !

Van-Praët prit la main du Madgyar.

— Yanos, mon brave camarade, murmura-t-il, vous entendez tout cela !… Songez que vous êtes aussi menacé que nous !

Yanos releva la tête et regarda de nouveau madame de Laurens.

— Mais j’attends, moi, dit-il en contenant sa voix qui voulait éclater ; je suis prêt… j’attends qu’on me dise où est cet homme !

— Bravo, Yanos ! dit le Hollandais, je vous reconnais là, mon vaillant ami !…

— Vous demandez où il est, reprit Sara ; mais vous vous trouvez côte à côte avec lui tous les jours… l’autre soir, vous n’étiez séparé de lui, à table, que par ma jeune sœur, Lia.

Les traits d’Yanos, qui tout à l’heure rayonnaient de farouche fierté, vinrent à exprimer la répugnance et le dédain.

— Vous me parlez encore de cet enfant ?… murmura-t-il.

— Et de qui donc parlerais-je ?

— Moi, je songeais à un autre.

Yanos croisa ses bras sur sa poitrine, et garda le silence un instant. Son visage mâle et régulier avait en ce moment un reflet inusité de pensée ; il semblait dominé par d’entraînants souvenirs.

— J’ai tué, dit-il enfin, tandis qu’un sombre orgueil brillait dans son regard ; je ne m’en repens pas !… Mais demandez à Fabricius Van-Praët, Madame, et demandez à José Mira, si celui que j’ai tué n’était pas capable de se défendre !… C’était un homme dans toute la force de l’âge, un homme robuste, brave comme un lion, et l’Allemagne entière connaissait son adresse à manier l’épée.