Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fant, tu me plais, et les petites confidences que tu m’as faites cette nuit…

— Des confidences ! murmura Jean étonné.

Le cabaretier cligna de l’œil.

— Ah ! ah ! mon fils, s’écria-t-il ; le vin de madame Taburet vous arrache les paroles du corps !

— Qu’ai-je donc dit ?…

— Ceci et ça… des enfantillages… la jolie Gertraud qui se laisse baise la main…

La paupière de Jean se baissa.

— Et un quidam, poursuivit Johann, un gant jaune qui te fait du chagrin et que tu veux…

Il s’arrêta et ajouta, en se penchant à l’oreille du jeune homme :

— Mettre à l’ombre, mon fiston !

Jean tressaillit de la tête aux pieds. Des gouttes de sueur vinrent à ses tempes. Bien qu’il eût les yeux cloués au sol, on pouvait lire sur son visage l’effort soudain et violent de sa mémoire qui s’éveillait.

Cette idée de meurtre l’avait piqué comme un coup de stylet ; le choc avait en même temps déchiré cette brume qui enveloppait ses souvenirs.

Il dégagea brusquement son bras qui était sous celui de Johann et fit un pas en arrière.

— C’est vrai, prononça-t-il d’une voix altérée, je le hais mortellement, et j’ai dû parler de meurtre… mais vous aussi, je me rappelle maintenant, cet argent que vous me promettez, c’est l’assassinat qui doit le gagner.

Johann se rapprocha vivement.

— Silence ! mon fils, silence ! balbutia-t-il ; je suis un honnête homme… et tu te trompes…

— Je ne me trompe pas ! répliqua Jean, qui étendit la main comme pour faire un serment ; vos paroles sont encore dans mon oreille… c’est un meurtre, un meurtre lointain qui paierait le salut de ma mère…

Jean avait croisé ses bras sur sa poitrine ; ses yeux s’étaient baissés de nouveau. Johann le regardait attentivement, cherchant à deviner sa pensée.

Ils se tenaient en ce moment un peu en dehors de la cohue, tout auprès des maisons qui prolongent la rue de la Petite-Corderie.