Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Son autre main tenait une bouteille dont le goulot disparaissait fréquemment dans sa large bouche.

Sa figure blême avait pris des teintes pourpres ; il était ivre.

Quand il cessait de boire, il revenait à ses gros sous et il chantait en balançant sa tête difforme :

La petite Gertraud m’en a donné,
J’en ai volé à la Galifarde ;
Mais j’en ai eu bien davantage
Avec le vieux Monsieur
Qui porte un faux toupet.
La bonne aventure, ô gué !

Il se coucha par terre à plat ventre et mit sa tête sur les sous.

Puis il se retourna pour boire encore.

Sa bouteille était vide ; il la lança dans la perrière avec indignation.

— J’ai soif ! grommela-t-il en rampant à quatre pattes, comme une bête fauve.

Il mit dans la poche de sa veste neuve une poignée de sous, et fit un trou en terre pour enfouir le surplus de son trésor.

Tandis qu’il travaillait, des paroles confuses tombaient de sa bouche, parmi lesquelles Gertraud distinguait souvent le nom de son père.

Quand il eut achevé sa besogne, il franchit la haie d’un seul bond, et Gertraud le vit courir vers le village, chancelant, tombant, se relevant et criant à tue-tête :

— Tant que j’en voudrai, j’aurai de l’eau-de-vie… Hue ! bourrique !