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Elle songeait à Victoire et à la mère Regnault, qui, arrêtées en route par des recherches inutiles, n’étaient arrivées dans le pays que la veille.

La vieille femme s’était rendue tout de suite au château de Geldberg ; elle avait demandé son petit-fils Jean, mais personne n’avait voulu lui répondre.

Tout ce qu’elle avait récolté, c’étaient les railleries lâches d’une valetaille toujours prête à insulter le faible.

Gerlraud l’avait vue dans la soirée de la veille et lui avait rendu un peu de courage.

Ce qui mettait maintenant un sourire sur le visage abattu de la jolie fille, c’était l’idée de consoler la mère de Jean et d’aller lui porter l’espérance.

Madame Regnault habitait une des cabanes du village ; Gertraud, au lieu de redescendre vers la maison du paysan Gottlieb, qui était la demeure de son père et la sienne, remonta le sentier à pic et prit le chemin du village.

Au moment où elle longeait les bords de la perrière, entourée de broussailles, elle entendit sur sa droite une voix monotone et cassée qui chantait un air familier à ses oreilles.

C’était ce chant bizarre inventé par Geignolet, l’idiot, et auquel il adaptait les paroles improvisées de sa chanson.

Gertraud s’arrêta et s’approcha de la haie, dont elle écarta les branches épineuses.

L’idiot disait :

Le père Hans avait mis la petite boîte
Dans l’armoire ; tout en haut, tout en haut…

Puis, il s’interrompait pour rire avec fatigue comme un homme ivre.

Gertraud, intriguée et ne saisissant qu’imparfaitement le sens brisé de la chanson, parvint après bien des efforts à glisser son regard au travers de la haie.

Elle vit l’idiot assis par terre, de l’autre côté, auprès d’un tas de gros sous qu’il caressait d’une main amoureuse.