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— Tout !… répéta Gertraud. Vous alliez en Allemagne, pour gagner une somme d’argent, dont le prix devait être un meurtre…

Un sanglot souleva la poitrine de Gertraud, mais ses yeux restèrent secs. Jean se tordait les mains.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! répétait-il sans avoir la conscience de ce qu’il disait, si vous saviez !…

— Ce meurtre, poursuivit Gertraud d’une voix qui s’étouffait de plus en plus, je ne voulais pas y croire… Je priais Dieu pour vous et pour moi, Jean… Mais Dieu n’a pas écouté mes prières… J’ai vu ce qu’une longue vie n’effacera point de ma mémoire !…

— Oh !… oh !… fit le joueur d’orgue en un gémissement, ayez pitié de moi, Gertraud ! si vous saviez ! si vous saviez !…

Un sourire amer plissa la lèvre pâle de la jeune fille.

— Je sais, répliqua-t-elle, je ne sais que trop !…

Elle s’interrompit ; la voix lui manquait.

Jean avait sous la paupière des larmes de sang qui ne voulaient point jaillir.

— Oh ! c’est toujours ainsi, poursuivit Gertraud, dont l’œil sec jeta vers le ciel un regard de reproche ; il y avait un enfant qui s’était intéressé à notre misère et à notre amour, Jean… Un seul être dans tout ce grand Paris ! Il était bon, franc, généreux… Il était le fils d’une noble famille, et il avait pour ennemis des hommes puissants qui voulaient le tuer après lui avoir volé son héritage…

— Oh !… oh ! fit Jean qui tourmentait de la main son front en feu.

— Ils sont riches, reprit Gertraud, ils ont de quoi payer des assassins !…

Jean fit un geste de supplication.

— Gertraud ! Gertraud ! dit-il avec un accent de douleur déchirante ; j’avais promis pour sauver ma mère !… ma pauvre grand’mère qu’on emmenait en prison ! Oh ! si vous l’aviez vue pleurer et se débattre !… ses cris me perçaient le cœur et je devins fou ! je promis… mais, sur mon salut, Gertraud, et sur le nom saint de Dieu ! je vous jure que je ne voulais point tenir ma promesse…

Gertraud secoua la tête d’un air incrédule.

— Croyez-moi ! croyez-moi, par pitié ! reprit Jean, les mains jointes,