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Les bras du cabaretier tombèrent ; il se rangea.

— Regarde donc, mulet ! dit-il, je ne peux pas faire la besogne tout seul… et si tu es cause que l’affaire manque, il sera toujours temps de t’arranger !

Jean mit sa tête en dehors de la roche, et son regard descendit jusqu’au seuil de la maison de Gottlieb.

Il ne vit ni Gertraud ni Hans Dorn, qui étaient cachés derrière le montant de la porte.

Il vit Franz.

Sa joue pâle devint rouge comme du feu.

Il se rejeta en arrière et resta les bras pendants devant Johann.

Sa physionomie n’exprimait rien, sinon une stupéfaction morne. Mais un combat terrible se livrait au fond de son cœur.

Deux ou trois fois sa joue amaigrie redevint pâle, puis pourpre.

Sa bouche s’ouvrait comme s’il eût voulu parler ; mais sa gorge se refusait à laisser sortir un son.

Johann l’avait poussé de côté pour qu’on ne pût pas le voir d’en bas ; il n’avait point opposé de résistance.

— Eh bien ! dit le cabaretier, impatient de reprendre sa besogne, as-tu vu ?…

Jean fit un signe de tête imperceptible.

— Y sommes-nous ? demanda encore Johann.

Les sourcils de Jean se froncèrent ; un éclair de fureur brilla dans son œil ; puis deux larmes roulèrent lentement sur sa joue.

Johann ne savait plus que croire et pensait que le pauvre diable devenait fou.

Jean serra son front à deux mains.

— C’est lui ! murmura-t-il, je l’ai reconnu !…

— Qui ça ? demanda le marchand de vins.

Au lieu de répondre, Jean leva vers le ciel ses yeux humides et prononça le nom de Gertraud.

Johann resta un instant, la bouche ouverte et plongé dans un étonnement joyeux.

Puis il éclata de rire au risque d’éventer son embuscade.